Une chronique premier degré.

Une chronique « premier degré ».

 

Mylène Moisan aurait-elle voulu interpréter des paroles entendues à la télévision sans nuance aucune, les détourner de leur sens premier, elle n’aurait pu mieux faire que de publier sa chronique du 14 janvier dernier.* Les mots et expressions sont pris à la lettre, tout nus comme s’ils n’étaient pas habillés de symbolisme. Le ministre porte tout l’odieux de la situation :  débordements aux urgences, épuisement des infirmières, attentes interminables et j’en passe. Ses sentiments sont totalement dépourvus d’empathie, il se fiche de tout, ne se préoccupe que du « structurant ». Il n’a cure des bibittes humaines que nous sommes, si affolées et pitoyables qu’on pourrait les croire acculées à une extermination imminente.

Ça suffit. Il est temps que ça cesse. Il est temps de brandir un énorme STOP. Nous sommes tellement sursaturés des propos sur la santé que bientôt, nous en deviendrons obsédés. Les lacunes et ratés en ce domaine sont mondiaux et pour les mêmes causes : vieillissement de la population, pénurie de main d’œuvre. Ce genre de chronique, loin d’éteindre les feux, les alimente. Ces façons de personnaliser les faits sont à proscrire, au même titre que les narrations d’évènements malheureux à forte saveur de victimisation. Elles ont fait leur temps, nous avons besoin d’une généralisation d’espoir et de confiance, de patience et de compassion, sinon nous ne pourrons jamais sortir la tête de l’eau. Le tous ensemble dans la même direction n’a jamais été aussi approprié.

Heureusement, ce premier article est réhabilité par le second, publié une semaine plus tard.* Il personnalise aussi, mais à bon escient cette fois. Deux infirmières ayant œuvré pendant plusieurs années sur le terrain, témoignent de la détérioration progressive du système et, de ce fait, de leurs conditions de travail. Grâce à leur récit, nous comprenons mieux les nouvelles méthodes introduites, –pensons à l’obligation de remplir de la paperasse ad nauseam…– les changements de structure pleins de promesses au départ, mais qui ont produit des effets tout à fait contraires à ceux escomptés.

Le système de santé nous a façonnés, il a fait de nous des bénéficiaires aux réclamations et plaintes constantes, nous avons développé une expertise :  c’est la faute à celui-ci celui-là… manque de ressource… c’est terrible…  abusif… inacceptable… la litanie pourrait s’allonger tant le vocabulaire nous vient en abondance de ce côté de notre parlure. Cet exercice de voir les choses avec honnêteté, concerne tout le monde, tous échelons confondus, chaque individu y a mis son petit brin de cynisme, de laisser-aller, de négligence, d’excès, d’indifférence. Cela a commencé par de toutes petites choses devenues avec les années des situations problématiques aux conséquences désastreuses bien difficiles à redresser. « C’est parce que chacun cherche à souffrir le moins possible que la vie est infernale. » écrivait le regretté écrivain Christian Bobin.* Sommes-nous devenus de moins en moins capables d’en prendre ? Nous avons de la misère à nous remettre de la longue contrariété subie causée par ce que l’on sait ?

Le grand-oncle fictif cité dans l’article sur la grosse Montréal prend goût au rôle de coauteur on dirait. Le voilà dressé dans mon imaginaire, impressionnant général criant d’une voix forte à ses troupes : on se calme le pompon… on est rendus chiâleux en pas pour rire… on change de refrain… Ça n’est pas l’indulgence qui l’étouffe, c’est le moins qu’on puisse dire…

 

Michelle Anctil

 

*Le ministre qui ne veut pas éteindre de feux  Mylène Moisan Le Soleil samedi 14 janvier 2023.

*Récit d’un système de santé malade Mylène  Moisan Le Soleil samedi le 21 janvier 2023.

*Un assassin blanc comme neige p.84   Christian Bobin Gallimard.

 

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