Ainsi parle la vieille dame… https://ainsiparlelavieilledame.com 3ième âge? Mise à jour? Sat, 18 Feb 2023 21:31:08 +0000 fr-FR hourly 1 Des jalons sur la route de la détérioration https://ainsiparlelavieilledame.com/des-jalons-sur-la-route-de-la-deterioration/ https://ainsiparlelavieilledame.com/des-jalons-sur-la-route-de-la-deterioration/#respond Sat, 18 Feb 2023 21:17:55 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=366 Lire la suite]]> Des jalons sur la route de la détérioration.

 

De toutes les strates composant le système de santé, il est remarquable comme celle des médecins est épargnée. Et pourtant leur importance y est primordiale. Alors pourquoi n’émettons-nous jamais de critiques et de reproches à leur endroit ? Il y a ceux qui ont assumé pendant un certain temps la fonction de ministre de la santé. À ce sommet, la pluie des oppositions et désapprobations les arrosait abondamment, c’est de bonne guerre, mais les autres ? Sont-ils intouchables ? Dans l’article « La naissance de notre système de santé » déjà paru*, j’évoquais les nombreux messages gouvernementaux se résumant à l’incitation : parlez-en à un médecin ! J’y voyais un bar ouvert à l’hypocondrie qui sommeille à des degrés divers dans chacun, chacune…

Il y a quelques décennies, on pouvait encore se présenter dans une clinique sans rendez-vous en étant sûr d’y être vu par un médecin.  D’année en année, de toutes petites choses ont pris de l’ampleur, elles ont formé des jalons successifs ayant débouché sur la situation actuelle. Un jour, faisant fi des nombreuses personnes en attente, des médecins sortirent de leur bureau respectif, et se regroupèrent au bout d’un corridor. D’autres, la consultation en cours  bouclée, vinrent les rejoindre. Ils riaient beaucoup. Cela dura pendant plusieurs minutes. Désinvolture inappropriée ? Un autre jour, dans le département d’ophtalmologie d’un grand hôpital, une patiente portant un bandage sur un côté de la tête, sans doute opérée depuis peu, semblait très mal en point. Elle avait passé toute la journée de la veille assise au même endroit sans que quelqu’un ne s’occupe d’elle. Alors elle était revenue, décidée à rester tant qu’on ne la prendrait pas en charge. Un jalon plutôt inquiétant, non ? Dans un autre hôpital, en cardiologie, dans une salle d’attente bondée, les patients étaient appelés aux dix minutes. Chacun devait se présenter d’abord en radiologie. Les électrocardiogrammes allaient bon train. Une fois la chose faite, on revenait s’asseoir. Rencontrer un cardiologue par la suite était une toute autre affaire, ce grand nombre d’appelés ne faisait que bien peu d’élus. Plusieurs retournaient bredouilles, avec la consigne de revenir le lendemain. Une façon de procéder qui ressemblait à une mise en scène : Voyez comme ce département est envahi ! À l’urgence de n’importe quel hôpital, pour peu que l’on observe, cette impression d’assister à un spectacle se confirme : on y trouve des gens, silencieux, passifs, jouant fidèlement leur rôle de pôvres êtres souffrants résignés à attendre pendant des heures. Le scénario se déroule, toujours le même : après un triage lent à venir, chacun dispose d’un petit coin jusqu’au moment où il pourra dire enfin pourquoi il se trouve là. Il y eut aussi un jalon qui a, sinon bouleversé du tout au tout le système, du moins l’a secoué passablement : l’arrivée des femmes en médecine. Une copine et moi avions des neveux, fils de médecins, qui furent refusés à la faculté de médecine de l’université où leurs pères avaient été formés. Surprise totale, car leurs études collégiales étaient bien réussies. Dans les années 70 existait-il une sorte de contingentement privilégiant les inscriptions des jeunes filles au détriment de celles des jeunes hommes ?

De telles observations valent-elles la peine qu’on s’y arrête ? À prime abord, non. La question qui en résulte, oui.  À quel moment l’étincelle de leur noble vocation a-t-elle été éteinte chez les médecins et infirmières ? Voilà encore mon GOF (Grand-Oncle Fictif) qui insiste pour répondre. Il trace dans mon imaginaire, en lettres immenses : L’arrivée des money makers dans leurs rangs ! La soif de l’exposure à tout prix ! Donc, ce serait l’attrait de l’argent et le goût du vedettariat ?  Il n’y a pas que ça ! Et j’ajoute : parlez en français s’il vous plaît !

 

Michelle Anctil

*La naissance de notre système de santé  27 mai 2022.

 

 

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Une chronique premier degré. https://ainsiparlelavieilledame.com/une-chronique-premier-degre/ https://ainsiparlelavieilledame.com/une-chronique-premier-degre/#respond Thu, 02 Feb 2023 21:27:48 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=358 Lire la suite]]> Une chronique « premier degré ».

 

Mylène Moisan aurait-elle voulu interpréter des paroles entendues à la télévision sans nuance aucune, les détourner de leur sens premier, elle n’aurait pu mieux faire que de publier sa chronique du 14 janvier dernier.* Les mots et expressions sont pris à la lettre, tout nus comme s’ils n’étaient pas habillés de symbolisme. Le ministre porte tout l’odieux de la situation :  débordements aux urgences, épuisement des infirmières, attentes interminables et j’en passe. Ses sentiments sont totalement dépourvus d’empathie, il se fiche de tout, ne se préoccupe que du « structurant ». Il n’a cure des bibittes humaines que nous sommes, si affolées et pitoyables qu’on pourrait les croire acculées à une extermination imminente.

Ça suffit. Il est temps que ça cesse. Il est temps de brandir un énorme STOP. Nous sommes tellement sursaturés des propos sur la santé que bientôt, nous en deviendrons obsédés. Les lacunes et ratés en ce domaine sont mondiaux et pour les mêmes causes : vieillissement de la population, pénurie de main d’œuvre. Ce genre de chronique, loin d’éteindre les feux, les alimente. Ces façons de personnaliser les faits sont à proscrire, au même titre que les narrations d’évènements malheureux à forte saveur de victimisation. Elles ont fait leur temps, nous avons besoin d’une généralisation d’espoir et de confiance, de patience et de compassion, sinon nous ne pourrons jamais sortir la tête de l’eau. Le tous ensemble dans la même direction n’a jamais été aussi approprié.

Heureusement, ce premier article est réhabilité par le second, publié une semaine plus tard.* Il personnalise aussi, mais à bon escient cette fois. Deux infirmières ayant œuvré pendant plusieurs années sur le terrain, témoignent de la détérioration progressive du système et, de ce fait, de leurs conditions de travail. Grâce à leur récit, nous comprenons mieux les nouvelles méthodes introduites, –pensons à l’obligation de remplir de la paperasse ad nauseam…– les changements de structure pleins de promesses au départ, mais qui ont produit des effets tout à fait contraires à ceux escomptés.

Le système de santé nous a façonnés, il a fait de nous des bénéficiaires aux réclamations et plaintes constantes, nous avons développé une expertise :  c’est la faute à celui-ci celui-là… manque de ressource… c’est terrible…  abusif… inacceptable… la litanie pourrait s’allonger tant le vocabulaire nous vient en abondance de ce côté de notre parlure. Cet exercice de voir les choses avec honnêteté, concerne tout le monde, tous échelons confondus, chaque individu y a mis son petit brin de cynisme, de laisser-aller, de négligence, d’excès, d’indifférence. Cela a commencé par de toutes petites choses devenues avec les années des situations problématiques aux conséquences désastreuses bien difficiles à redresser. « C’est parce que chacun cherche à souffrir le moins possible que la vie est infernale. » écrivait le regretté écrivain Christian Bobin.* Sommes-nous devenus de moins en moins capables d’en prendre ? Nous avons de la misère à nous remettre de la longue contrariété subie causée par ce que l’on sait ?

Le grand-oncle fictif cité dans l’article sur la grosse Montréal prend goût au rôle de coauteur on dirait. Le voilà dressé dans mon imaginaire, impressionnant général criant d’une voix forte à ses troupes : on se calme le pompon… on est rendus chiâleux en pas pour rire… on change de refrain… Ça n’est pas l’indulgence qui l’étouffe, c’est le moins qu’on puisse dire…

 

Michelle Anctil

 

*Le ministre qui ne veut pas éteindre de feux  Mylène Moisan Le Soleil samedi 14 janvier 2023.

*Récit d’un système de santé malade Mylène  Moisan Le Soleil samedi le 21 janvier 2023.

*Un assassin blanc comme neige p.84   Christian Bobin Gallimard.

 

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Ne touchez pas à nos Jours de l’An! https://ainsiparlelavieilledame.com/ne-touchez-pas-a-nos-jours-de-lan/ https://ainsiparlelavieilledame.com/ne-touchez-pas-a-nos-jours-de-lan/#respond Fri, 30 Dec 2022 16:32:37 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=355 Lire la suite]]> Ne touchez pas à nos Jours de l’An !

 

Noël est déjà derrière nous. Marqué d’inconvénients sérieux entraînés par le déchaînement de la nature qui ne sait sur quel pied danser –comment ne pas compatir avec toutes ces familles privées de lumière et de chaleur en ces jours de joie !–, il fut vécu malgré tout auréolé de délivrance : on pouvait enfin se retremper dans le bonheur d’être ensemble sans restriction de contacts. Nos pas sont maintenant engagés sur le tout dernier bout de trottoir du cahoteux 2022, les uns renforcis et déterminés, les autres remplis de doute : nos nombreux problèmes aussi lourds les uns que les autres connaîtront-ils en 2023 au moins un embryon de solution ? Que se lèvent ceux qui y croient ! Et si tant est que des irréductibles se dressent et brandissent le flambeau de la confiance, comment formuler des vœux, comment décrire les rêves d’un monde sécuritaire pour ceux qui nous suivront ?

Que vient y faire le Jour de l’An ? Il me tient lieu de phare pour défier le doute et l’appréhension, assurer la solidité de notre cheminement dans le temps. À l’intérieur de l’histoire du Québec, j’insère dans la période de la « La Grande Noirceur » une tranche que j’appelle : LA GRANDE DUPERIE. Elle s’étend du crash de 1929 à la seconde guerre mondiale de 1939. Je suis née en cette décennie ainsi qu’un grand nombre d’octogénaires, dont sans doute faisaient partie les tristement en-allés de 2020. Le chômage sévissait, les familles, sous le joug de la religion, se devaient d’être nombreuses, l’argent était rare. Le Père Noël, s’il en était question, n’était qu’un objet de rumeurs, à vrai dire, son règne n’était guère instauré dans nos chaumières. Au récent Noël, j’aurais eu l’occasion de me faire prendre en photo avec lui lors d’un dîner de groupe. Se surprendra-t-on que cela ne m’émoustillait pas plus qu’il faut ? Non par aversion ou snobisme : tout simplement mon cœur était ailleurs.

Dans mon enfance, LA fête pivot était davantage le Jour de l’An que Noël. Ce dernier, dans mon souvenir, consistait avant tout en une gerbe sonore : cantiques et chants de Noël étaient au programme des messes et de toutes autres réunions familiales ou paroissiales. De cadeaux descendus d’un traîneau aérien, personne ne parlait. Puis, arrivait le Jour de l’An, impressionnant, rassembleur, solennel, avec, au sommet, la scène inoubliable de la bénédiction paternelle. Noël et le réveillon ayant égayé la famille de ceux déjà mariés et parents, chacune de son côté, au Jour de l’An elles participaient toutes au grand dîner pour lequel l’ajout de tables était nécessaire. Les papas, humblement, un peu intimidés, –aucun d’eux ne s’inscrivait dans la catégorie « notables de la place »– oubliaient leur quotidien besogneux dédié à la survie de leur marmaille, et se transformaient en passeurs du Grand Tout, appelant sur chaque tête inclinée devant eux, le bonheur, la santé, la sécurité pour l’année nouvelle. Croyez-moi, une telle scène reste gravée dans la mémoire à tout jamais.

Je suis vraiment mal placée pour suggérer à nos dirigeants les façons de régler les difficultés, d’améliorer ce qui doit l’être, qu’il s’agisse de notre système de santé, de la violence conjugale, des dérèglements climatiques. J’émets seulement le souhait que chacune de leurs actions s’appuie sur un socle indéfectible, indispensable : un retour aux valeurs de base, aux incontournables lois de la vie. Le tout premier degré d’un renouvellement possible consiste en un regard lucide sur son propre comportement, que l’on se trouve au bas de la pyramide en tant que bénéficiaire ou tout en haut en tant que responsable.

Bonne année à tous !

 

 

Michelle Anctil

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Merci d’exister https://ainsiparlelavieilledame.com/merci-dexister/ https://ainsiparlelavieilledame.com/merci-dexister/#comments Mon, 28 Nov 2022 23:45:01 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=347 Lire la suite]]> Merci d’exister !

 

Ce jour-là, lorsque je conclus notre échange téléphonique par cette phrase, mon interlocutrice ne savait trop comment réagir. Il y eut un silence. Puis nous avons fini par éclater de rire. Toute ma journée en fut embellie, la sienne aussi. Gentillesse. Patience à expliquer. Calme débit. Articulation adéquate. Similitude de vocabulaire. Attitude respectueuse. Cette dame réunissait toutes les conditions propices à préserver l’autonomie intellectuelle des vieux.  Ce merci d’exister, je l’adresse à tous ceux et celles qui, comme elle, nous facilitent la vie, contribuent à réaliser le vœu partagé par tous : nous garder le plus longtemps possible chez-nous. Si cette façon de faire devenait contagieuse, on sauverait un temps énorme, il s’en perd tellement lorsque son contraire se heurte au rythme effréné de la vie actuelle. Voulant faire trop vite, on embrouille ce qui était simple au départ. Qu’en est-il de l’autonomie de ce côté des choses, le pratico-pratique, le quotidien, celle qui peut s’exercer même par ceux et celles limités en leurs mouvements, dont la mobilité n’est plus ce qu’elle a déjà été ? Elle devient difficile lorsque les échanges intergénérationnels s’enfargent dans le jargon informatique faisant fi du sens initial des mots. C’est ce sens que nous possédons et voulons perpétuer, autrement il nous est impossible de vieillir en plénitude d’esprit, ouverts au monde nouveau si différent de celui où nous avons vécu.

Un jour où le soleil pré-printanier usait d’une effronterie enivrante, je me promenais dans le sentier qui longe l’édifice, côté est-sud, heureuse comme une écolière en récréation. Une résidente, assise sur un banc, m’interpella, aussi enchantée que moi de la chaude lumière baignant nos vieux os. Au cours de la conversation, j’en vins à lui confier à quel point il me plaisait de procéder à mes déclarations d’impôt tant la fédérale que la provinciale, tâche occupant une grande partie de mes journées à cette époque de l’année. J’en parlais avec enthousiasme, elle en parut fort étonnée. « Moi, je laisse cela à mon comptable ! » Son ton suintait la condescendance, sinon la désapprobation. Je me contentai de sourire. Je n’insistai pas et poursuivis ma lente promenade. C’est à mes deux cannes, fidèles compagnes me permettant de déambuler, tête haute et épaules en mouvement, –m’évitant le derrière en l’air et le dos voûté, attributs imputables au si répandu déambulateur– que je plaidai ma cause de vieille dame refusant de suivre le troupeau. Elles sont toujours disposées à m’écouter quand l’impatience monte en moi.

Voilà ce que je déteste dans le vieillissement. Une abdication automatique devant toute activité propice à garder nos esprits alertes. Une négation tout aussi automatique de notre capacité à assumer nous-mêmes nos responsabilités telles, entre autres, notre comptabilité personnelle. Un acharnement à nous agglomérer en un magma informe de férus de bingo, accros aux chansons passéistes, à une musique au champ limité, fermée aux chefs-d’œuvre ayant  traversé les siècles de par leurs mélodies sublimes, intemporelles, éternelles…

L’allusion à la musique fait soudain bifurquer mon attention sur un ver d’oreille ô combien actuel celui-là : la pénurie de main d’œuvre. Entendre cette expression à tout bout de champ me pose problème. À l’instar de la dame sur son banc, les gens en sont-ils venus à ne plus éprouver de bonheur à travailler dans un domaine délibérément choisi ? Les appels pour tel ou tel poste restent sans réponse, pourquoi ? L’ambiance déplorable ainsi créée attriste l’ex-éducatrice en moi, elle se pose la question : que sont les enfants d’autrefois devenus ?

Je m’ouvre aux commentaires m’éclairant là-dessus, j’en ressens un vif besoin…

 

Michelle Anctil

 

 

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Montréal ou le syndrome du gros nombril https://ainsiparlelavieilledame.com/montreal-ou-le-syndrome-du-gros-nombril/ https://ainsiparlelavieilledame.com/montreal-ou-le-syndrome-du-gros-nombril/#comments Thu, 03 Nov 2022 18:39:32 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=335 Lire la suite]]> Montréal ou le syndrome du gros nombril.

 

Jamais la métropole n’aurait pu mieux témoigner de sa position bien à part du reste du Québec que par les résultats des élections récentes. À les considérer attentivement, il est impossible de nier l’évidence : oui, vraiment, nous vivons sur deux planètes différentes. Sur la première règne Montréal, sur la seconde s’échelonnent les régions dont plusieurs se situent à des distances considérables du nombril de notre grosse de famille.

Que j’explique d’abord la provenance de ce titre. Il coiffait, il y a plusieurs années, l’un des segments d’un essai personnel intitulé : Litté/rupture paru sur Internet. Accumulant les lettres de refus des maisons d’éditions, dont les plus prestigieuses ont pignon sur rue à Montréal, je m’interrogeais sur les motifs des verdicts négatifs à répétitions. Et pour cause : avant d’asséner le coup fatal aux manuscrits soumis, la plupart des réponses étaient émaillées d’éloges du genre : nous avons lu avec un vif intérêt ; la qualité de votre texte n’est pas en cause ; nous l’avons trouvé fort bien écrit ; le récit est bien construit ; et j’en passe. J’en arrivai vite à la conclusion : les apprentis écrivains qui écrivent bien ne sont pas les bienvenus à Montréal. Ils ont le tort de provenir de trop loin. Leur vocabulaire sonne aux oreilles comme des cailloux bruts forçant le couvercle de coffrets à bijoux raffinés. Une vérité s’en dégage : déjà il était vrai que Montréal regarde de haut ce qui vient des régions.

Et le nombril de la grosse de famille, que vient-il y faire ? L’humour est l’arme la plus efficace pour contrer l’amertume et la révolte, et nous, gens des régions, n’en manquons pas. Dans cet essai qui ne se prenait vraiment pas au sérieux, Montréal était considérée comme la grosse de la famille du Québec. En effet, qui ne connaît pas une grosse faisant partie d’une famille quelque part ? Habituellement, ces grosses sont exceptionnellement jolies, leur visage au sourire facile, aux traits harmonieux, leur amabilité spontanée en font des personnes fort attachantes. Malheureusement, le tableau familial se gâche dès l’instant où la grosse, habituée de monopoliser l’attention, en vient à ne voir rien d’autre que son nombril. En-dehors de lui, tout disparaît, les évènements, les circonstances, heureuses ou déplorables, ont beau être le lot de tous, elle n’en a cure et se lamente si son gabarit ne lui assure pas la primauté automatique des interventions gouvernementales.

Un autre ouvrage, un roman celui-là*, ne donne pas cher pour la débrouillardise des Montréalais. À lire certains passages, il saute aux yeux qu’ils ne sont vraiment pas des champions du système D ou du plan B. Un personnage de grand-oncle d’une région lointaine, presque de l’arrière-pays, réagit devant les reportages télévisés de la crise du verglas en 1998. Sur l’écran défilent des images du désastre. Un monsieur endimanché, immobile, paralysé, contemple son auto recouverte d’une épaisse couche de glace. Pas du tout compatissant, le vieil homme rigole : « Eh bonhomme ! Ça fondra pas rien qu’à regarder ! Un p’tit coup de grattoir peut-être ? » Puis, devant un monticule de bois de chauffage, dons provenant des régions, il dit à sa vieille : « Pourvu qu’ils croient pas que le chauffe-eau va repartir rien qu’à placer des bûches tout autour ! »

                 Ces extraits fictifs sont à prendre avec un grain de sel. N’empêche. Qu’en sera-t-il de cette dichotomie métropole-régions lorsque le Québec deviendra indépendant ? Sera-t-il un pays à deux paliers, le Haut-Québec et le Bas-Québec ?

Et si, d’ici là, des pierres de solidarité s’empilaient une à une pour former une base à toute épreuve lorsque le temps de l’autonomie totale sera venu ?

 

Michelle Anctil

 

*Crever les bulles, roman, Les Editions à Rebours 2012 (page 173)

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Pour qui voteront les vieux? https://ainsiparlelavieilledame.com/pour-qui-voteront-les-vieux/ https://ainsiparlelavieilledame.com/pour-qui-voteront-les-vieux/#comments Wed, 28 Sep 2022 15:40:14 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=331 Lire la suite]]> Pour qui voteront les vieux ?

 Il est inutile de poser la question, la réponse va de soi. Nous ferons notre choix en toute connaissance de cause, nous suivrons la voie la plus naturellement tracée. Au siècle dernier, il fallait avoir atteint 21 ans pour voter. L’éventail des choix était limité, il n’y avait que deux partis, deux couleurs : le Rouge et le Bleu. Ce qui n’empêchait en rien les discussions animées dans les chaumières. Il était difficile de déroger à la tradition, la fidélité à la couleur familiale prenait figure de devoir de transmission. Une fois les élections passées, les grandes personnes discutaient au sujet de la mystérieuse distribution d’énormes boîtes sur les balcons de certaines maisons, mais pas sur le nôtre. Cela m’intriguait beaucoup. J’ai fini par comprendre que nos voisins avaient voté du bon bord d’où les appareils ménagers modernes qui orneraient désormais leur cuisine. Il a fallu attendre quelques décennies avant que le Rouge et le Bleu atténuent leur teinte, peu à peu, se présentèrent d’autres options, de nouveaux partis gagnèrent les régions. On abaissa aussi l’âge requis pour voter, il passa de 21 à 18 ans.

Puis, vint le temps où l’évolution induite par la Révolution tranquille aboutit sur un projet emballant mené par un grand homme : René Lévesque. En notre jeunesse nous eûmes  l’inestimable privilège de vivre l’effervescence d’un pays à bâtir, qui nous appartiendrait, que nous pourrions façonner selon nos valeurs, qui préserverait notre langue, assurerait l’autonomie de nos actions et décisions. Il fut presqu’à notre portée, nous avons rasé de près l’opportunité de nous l’approprier.

Est-ce à dire que les indépendantistes de la première heure accorderont leur vote au PQ ? Je ne crois pas. Ce ne serait qu’un détournement nostalgique d’une flamme que tout le monde croit éteinte. Mais elle ne l’est pas. Voilà ce qui compte. Elle couve sous les cendres d’une apparente résignation, elle se ravivera à son heure, le Québec sera indépendant un jour, il n’y a aucun doute là-dessus. La forme déjà expérimentée n’a pas marché, il faudra en changer, l’adapter. Quand j’imagine cet heureux chambardement qui ne surviendra pas de notre vivant, un mot de trois lettres se garroche dans le dédale de mes neurones sans pouvoir se poser : QUI ? Tout est là ! QUI le peuple acceptera-t-il de suivre, QUI aura sur lui un ascendant tel qu’il l’appuiera jusqu’à l’aboutissement de ce projet grandiose ?  QUI arborera le charisme, la profondeur de pensée du fondateur du PQ, grâce auquel notre fierté d’être québécois a fait des pas de géant ? Je ne m’inquiète guère là-dessus : lorsque viendra le temps de procéder à une séparation sans acrimonie ni violence, un leader, homme ou femme, se révèlera.

La destinée d’un pays, tout autant que celle des individus, bifurque parfois de façon si inattendue ! En 1970, mon frère et moi avions réussi l’exploit de faire voter notre père pour le nouveau parti dirigé par le journaliste qu’il avait tant admiré quelques années auparavant à la télévision dans Point de mire. Il passa du rouge vif au bleu nuancé, comme quoi tout est possible. Ce fut son dernier vote, il décéda en septembre de cette même année.

Comme fut apprécié le retour au comportement civilisé du dernier débat ! Je rends hommage à PSPP d’avoir brandi bien haut le flambeau de l’indépendance tout au long de la campagne. Sa ténacité et sa fermeté auront à long terme des répercussions bénéfiques, ainsi vont les nobles causes, il s’agit d’être patient.

Mon vote s’enrobe de reconnaissance envers le gouvernement qui a su gérer de façon exemplaire les jours sombres de la pandémie. Sa fidélité, sa transparence, son empathie, son partage honnête des hauts et bas de la capricieuse COVID n’ont à aucun moment flanché.

Dites-moi connaissez-vous quelqu’un qui aurait fait mieux ?

 

Michelle Anctil

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Les deux mots en V… https://ainsiparlelavieilledame.com/les-deux-mots-en-v/ https://ainsiparlelavieilledame.com/les-deux-mots-en-v/#respond Wed, 21 Sep 2022 20:08:23 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=322 Lire la suite]]> Les deux mots en V…

 

L’être humain se conduit parfois en paradoxe ambulant. C’est mon cas depuis que je publie ces blogues. Me voilà aux prises avec deux mots en V.  Il en est un que j’exalte, je me pose le défi de lui redonner son lustre de noblesse, le réhabiliter en tant que porteur de sagesse, de savoir, d’expérience*. Depuis le tout début, je le tape sur mon clavier en caractères gras afin qu’il se détache et prenne la place primordiale qui lui revient : VIEUX. Je le porte avec une grande fierté que je souhaite contagieuse, de sorte que chaque individu de ma génération en soit atteint. L’autre mot m’horripile sérieusement. Dès qu’il est question de nous, on le sert à toutes les sauces, on le revêt d’un pouvoir de généralisation automatique : VULNÉRABLES. Si moi, qui ai entamé la seconde partie de ma tranche octogénaire, je refuse qu’on m’en coiffe, qu’on me l’attribue, qu’en sera-t-il de la catégorie des 70 ans+ à qui, ces derniers temps, on tente de faire croire qu’ils sont vieux ? J’espère qu’ils le réfuteront fermement. En 2022, il est faux, je dirais même à la limite malhonnête, de les y classer. À part certains cas extrêmes, à 70 ans on n’est ni vieux, ni vulnérables. Non qu’ils soient négatifs en leur sens premier, mais en ce qui concerne mon propos, leur utilisation est fortement prématurée.

Les regroupements humains, quelles qu’en soient les caractéristiques d’âge ou de condition, obéissent aux mêmes lois qui régissent tous ceux qui composent le reste de l’Univers. Des astres et des étoiles de la voûte céleste jusqu’aux troupeaux de bêtes, en passant par les peuples des quatre coins du globe, chaque élément possède son individualité, aspire à une vie distincte, une évolution qui lui soit propre. Je ne nie pas que les gens âgés, du seul fait de leur vieillesse justement, présentent un côté vulnérable lors de périodes critiques. Ce qu’il faut éviter est de les présenter sous cette étiquette avec insistance, laissant ainsi croire qu’ils le sont inévitablement, qu’il faille les traiter comme s’ils requerraient constamment des interventions monopolisant des ressources au détriment de besoins réels à combler ailleurs. Récemment, j’entendis au cours d’une émission à TQc, Boucar Diouf, homme sage s’il en est un, souligner à quel point il est nécessaire d’user de nuance dans notre interprétation des évènements d’ordre politique ou autre. Nuance… voilà un autre mot trop peu entendu dont les manifestations concrètes sont rares sinon absentes en notre vie publique actuelle. Ça n’est pas user de nuance que de parsemer le vocabulaire qui nous est consacré de mots lourds, évocateurs d’inconfort, malaises, limitations, plutôt que de sérénité, joie douce,  libre expression, humour assorti d’un brin d’autodérision, propice à l’allègement des humeurs qui pourraient vouloir bifurquer vers des allées sombres. Les mots ont toujours une longue portée, qu’ils soient répétés à un enfant ou à un vieillard, à force de les entendre, l’un comme l’autre aura tendance à devenir ce qu’ils décrivent. À force de se faire traiter de vulnérables on le devient, l’écolier qu’on traite de paresseux continuera de plus belle à lambiner au lieu que d’étudier. Tant qu’à se faire coiffer d’un chapeau pourquoi ne pas le porter en permanence, n’est-ce pas ?

Sur un autre sujet, il y avait un grand absent au face-à-face de jeudi dernier à TVA : le SAVOIR-VIVRE. Se montrera-t-il le nez au débat de demain ? C’est à souhaiter. Sinon notre monde politique à venir se révélera en plein déclin de decorum, élément essentiel à l’aspect noble de sa mission.

Comment éviter de parler d’élections…

Michelle Anctil

*Notre PM est un idéaliste le 19 juin 2020

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À quand la vraie question? À quand la vraie réponse? https://ainsiparlelavieilledame.com/a-quand-la-vraie-question-a-quand-la-vraie-reponse/ https://ainsiparlelavieilledame.com/a-quand-la-vraie-question-a-quand-la-vraie-reponse/#respond Tue, 23 Aug 2022 20:38:30 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=316 Lire la suite]]>  

À quand la vraie question ? À quand la vraie réponse ?

             En ouvrant le journal ce samedi du 14 mai dernier, elle m’a sauté dans la face, impossible de passer outre. Juste au-dessous de LIBRE OPINION, le titre m’interpella sans aucun ménagement : Fatiguée de vivre ainsi.  Le signataire expose le cas de sa maman de 91 ans sur trois colonnes de texte, criant de lucidité, décrivant des états de mal-être, chacun grugeant chaque jour davantage une réserve de tolérance déjà effritée par les crocs impitoyables de l’âge. Pertes, limitations, impuissance, expérimentation de soins divers, changements de médication, séjour à l’hôpital, déplacements d’un lieu à un autre. La litanie d’une longévité imposée est interminable, sa voix percute le socle d’un monument érigé à la gloire de la science. J’ai surligné en rose certaines phrases comme pour en atténuer la teinte sombre. La plus frappante : Mais le système de santé étant ce qu’il est, on pousse ces pauvres personnes âgées qui n’en peuvent plus de vivre à vivre encore plus longtemps. Puis, ici et là, de simples expressions on ne peut plus éloquentes et évocatrices de la triste réalité : …personnel surchargé …roulement de personnel …ne peut rien garantir …listes d’attente très longues… La dernière résume tout : Ma mère veut tout simplement partir… Voilà un exemple parfait de ce que j’appelle une vie rétrécie.

Au tout début de ma vie en RPA, un jour, une gentille dame de 93 ans, intéressante et allumée, avec qui je dinais le midi, me dit sur un ton où transperçait l’impatience : Nous vivons trop vieux !  Une autre, sans doute du même âge, m’apprit le décès de son second mari datant de seulement quelques mois et exprima, un trémolo dans la voix, un souhait désespéré : Ce que j’aimerais m’en aller derrière les nuages moi aussi !

Ces dames étaient-elles les seules à entretenir de telles pensées ? Combien d’autres vieux refusent la continuation de leur vie rétrécie sans l’avouer afin de ménager leur entourage ? Ou les représentants de l’autorité ?  Ce sujet, délicat entre tous, flotte dans une vacuité néfaste : jamais il n’est franchement abordé. On l’évite, on le contourne, on l’occulte, à peine osons-nous dire avoir perdu un être cher récemment, le sujet semble tabou. On fait comme si on ignorait que, devant nous, il reste bien peu de temps et qu’usant de son libre arbitre il appartient à chacun de s’exprimer ouvertement sur la façon dont il désire finir. Aurions-nous pu éviter le nombre effarant des victimes de 2020, du moins le diminuer, si, avant d’atteindre leur état ultime de dépendance et d’impuissance, ils avaient pu faire savoir qu’ils aimaient trop la vie belle, pleine, libre, sereine, pour imposer aux êtres aimés le spectacle et la charge d’une vie devenue trop rétrécie en toutes ses fibres et tous ses tissus ?

Je ne sais quel âge j’avais. Mon père devait assister à deux messes à chaque dimanche. À la petite messe de 7 heures où il communiait en étant à jeun, et plus tard, à la grand-messe où il chantait dans la chorale. Entre les deux, il prenait son déjeuner. Ce matin-là, la porte s’ouvrit brusquement, l’un de mes cousins, complètement effaré, entra sans frapper et annonça : Mon oncle, c’est fini, la belle-mère est passée de l’autre côté ! Mon père, qui se balançait parfois sur les pattes arrière de sa chaise tout en mangeant, tomba à la renverse et se retrouva par terre étendu sur le dos. La belle-mère en question était sa sœur.

Ce jour-là, dans ma petite tête d’enfant, je sus ce qu’était la mort. Ça fait passer quelqu’un qu’on aime de l’autre côté et ça provoque une bien grosse surprise quand on l’apprend. Mourir ça n’est pas partir, c’est juste changer de place. Mourir ça n’est pas cesser de vivre, c’est juste vivre ailleurs. D’un côté à l’autre l’amour circule comme si de rien n’était.

Pourquoi donc évitons-nous tant d’en parler telle qu’elle est ?

Michelle Anctil

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Les maisons des aînés versus jarnigoine https://ainsiparlelavieilledame.com/les-maisons-des-aines-versus-jarnigoine/ https://ainsiparlelavieilledame.com/les-maisons-des-aines-versus-jarnigoine/#respond Thu, 21 Jul 2022 15:55:38 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=307 Lire la suite]]> Maisons des aînés versus jarnigoine…

 

Lorsque j’étais enfant, il est un mot que j’ai souventes fois entendu, maintenant disparu de notre vocabulaire. Je n’eus aucune difficulté à en saisir le sens même en mon tout jeune âge. Lorsque mon père et les autres adultes trouvaient que quelqu’un prenait des décisions  inappropriées, jugeaient un projet ou une situation comme étant sans allure, on disait sur un ton exaspéré, presque scandalisé : « Qu’il, qu’elle a donc pas de jarnigoine celui-là, celle-là ! Ça a aucun bon sens son affaire ! »

C’est à n’y rien comprendre. En février dernier, le sondage hebdomadaire provenant de mon syndicat de retraités de l’éducation portait sur les maisons des aînés. Notre assentiment portait sur quatre choix en vue de l’amélioration de nos conditions de vie : 1) Les services à domicile ; 2) L’ajout de personnel ; 3) Les maisons des aînés ; 4) La réfection des CHLSD. Or le résultat plaça les maisons des aînés nettement au bas de l’échelle avec un pourcentage de seulement 3,79%, les autres récoltaient respectivement : 75,95% ; 10,42% ; 9,85%. Plus récemment en juin, suite à l’annonce de la finition imminente de l’une de ces maisons, on nous sonda à nouveau. La question était : étions-nous pour que l’on cesse ce projet onéreux ou encouragions-nous sa poursuite ? Cette fois aussi, le résultat ne fit aucun doute : 66,44% pour son abandon ; 24,15%, pour sa continuation, les autres sondés ne se prononçaient pas. Aucun article de journal ne mentionna la moindre adhésion à cette solution. Non plus aucune personne de mon âge ne manifesta le désir de vivre dans une telle habitation. Alors, pourquoi ajouter au tableau déjà si peu reluisant cette couche de dorure ?  Croit-on qu’elle puisse effacer la honte ressentie par tous au rappel des conditions misérables de fin de vie des 5060 victimes de 2020 ? Voilà ce qui confirme éloquemment une vérité criante, source de bien des dérives :

Quand les vieux parlent, on ne les écoute pas !

Pour la grosse majorité des québécois, ce qui urge est l’accessibilité aux soins et services à domicile. En amont des soins médicaux à domicile, les services à domicile les ont précédés. Au-delà des scènes touchantes de certains reportages télévisuels montrant des gens âgés dépendants qui n’arrivent plus à se tirer d’affaire tout seuls dans leur maison, il y eut énormément de petites choses apparemment banales qui, d’érosion de jarnigoine en érosion de jarnigoine, ont abouti en une perte bien réelle d’autonomie. Cette dernière est venue sournoisement, petit à petit, un bon matin ce fut : ça ne peut durer ainsi…

La merveilleuse longévité actuelle n’a pas été décidée par nous les vieux. Je ne crois pas au mur-à-mur d’une unanimité acceptée, voire souhaitée. Les exemples du contraire existent pour peu qu’on écoute et observe autour de soi. J’en ai vu quelques-uns, mais surtout je suis à l’affût de toutes lectures sur le sujet. Lorsque la prolongation de la vie s’instaura peu à peu, subjugués par les progrès phénoménaux de la science médicale, on a omis un exercice de jarnigoine essentiel : préparer la société au vivre-ensemble qu’elle entraîne.

Notre population n’y est pas du tout prête.

L’exemple suivant illustre bien ce que je compte exprimer par la suite. L’employé.e d’un grand marché qui, au téléphone, vérifie gentiment, patiemment votre liste d’épicerie, tissant ainsi un lien cordial, confiant, respectueux, fait davantage pour le rester chez-soi le plus longtemps possible que toutes les belles théories émises par les penseurs du haut de leur tour d’ivoire…

 

À suivre.

 

Michelle Anctil

 

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Et la pollution sonore, qu’est-ce qu’on en fait? https://ainsiparlelavieilledame.com/__trashed-3/ https://ainsiparlelavieilledame.com/__trashed-3/#comments Thu, 30 Jun 2022 19:57:16 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=296 Lire la suite]]>  

Et la pollution sonore qu’est-ce qu’on en fait ?

Nous étions au jour béni où nous pouvions enfin nous démasquer dans les aires communes. Vite, retrouver les lèvres, regarder se dessiner les sourires, y lire des mots ! Dans le corridor qui mène aux casiers postaux et longe le grand salon, je vis des résident.e.s assis en demi-cercle, visages dénudés. Je leur jetai un bref regard et leur fis un bonjour de la main tandis que mes lèvres à moi se fendaient jusqu’aux oreilles pour signifier ma joie et ma délivrance. Je les savais partagées par tous. On aurait pu entendre voler une mouche tant l’intériorité avait de quoi se nourrir sans paroles. Une fois mon courrier récupéré,  je revins sur mes pas et me dirigeai vers l’ascenseur lorsque je fus dépassée (je marche très lentement à l’aide de deux cannes) par la récréologue. Constatant le silence et l’immobilité, elle s’écria :

Mais comme ça manque d’animation ici !

Elle se désolait de voir ses ouailles calmes et coites, peut-être craignait-elle que ce répit leur soit néfaste ? Pour ma part, je me réjouissais d’avoir participé à une sorte de communion de pensée à hauteur d’âme. Que serait-il arrivé si j’avais prononcé à haute voix l’exclamation qui me vint à l’esprit ? Pourquoi ces gens, pleins de reconnaissance, ne seraient-ils pas en état de réflexion, de contemplation, de méditation, du seul fait de l’allègement survenu aujourd’hui ?

Silence n’est pas synonyme de tristesse.  Immobilité n’est pas synonyme d’ennui.

Nos lieux de vie, émettent allègrement une pollution sonore intense si j’en juge par mon expérience actuelle. Il est désormais interdit de laisser les moteurs de véhicules tourner à vide. On travaille pour la planète ou on s’en fout, à chaque communauté de faire son choix. Décèle-t-on un contrevenant sur le vaste stationnement d’un grand centre commercial ? Vite, on s’empresse de l’avertir, ai-je déjà observé. Alors pourquoi les gros camions de livraison Gordon et autres, nous imposent-ils leur grondement strident pendant qu’on procède au déchargement ?  Ils en ont parfois pour plus d’une demi-heure. Passe encore pour les bip bip du « reculons », les grincements de freins, les va-et-vient des mastodontes voués à la cueillette des vidanges, aussi bien s’y faire, ils font partie de notre quotidien.  Mais ne pourrait-on pas au moins éviter, en plus de la pollution de l’air émise par les émanations d’essence, l’autre, la sonore ? En agissant ainsi, on nous vole des morceaux d’été précieux aux portes et fenêtres ouvertes, on nous oblige à tout fermer le temps que ça dure.

Le bénévolat exercé à la suite de la parution de mon premier livre* m’a beaucoup appris sur l’audition. Outre le fait que la vieillesse entraîne sa diminution, les vieux développent une plus grande sensibilité aux bruits forts, deviennent incapables de localiser de quel côté provient la parole ou le bruit. Souvent, ils sont conscients qu’on est bel et bien en train de parler mais ce qui est exprimé leur échappe complètement. La frustration de ne pouvoir comprendre, la captation amplifiée du moindre vacarme (nommée hyperacousie), voilà des limitations irréversibles qui accentuent leur fatigue et leur faiblesse. Des livres traitant du sujet ont alimenté mon empathie envers les malentendants. J’en ai retenu des avis éclairants :

« Nos oreilles ne sont pas programmées pour subir des niveaux sonores d’ample intensité. Nous devons prendre conscience de leur fragilité, car elles sont les tout premiers instruments du son, non du bruit. »

Pour finir : crier pour communiquer avec une personne sourde est la dernière chose à faire. Il vaut mieux la toucher doucement, lui faire face, bien la regarder et articuler d’une voix normale ce qu’on doit lui dire. Elle vous comprendra, je vous le garantis…

 

Michelle Anctil

*Un nid dans l’oreille Les Éditions Le Dauphin Blanc 1992.

 

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