Ainsi parle la vieille dame… https://ainsiparlelavieilledame.com 3ième âge? Mise à jour? Mon, 25 Sep 2023 20:56:45 +0000 fr-FR hourly 1 De l’authenticité dans nos assiettes, s’il vous plaît! https://ainsiparlelavieilledame.com/de-lauthenticite-dans-nos-assiettes-sil-vous-plait/ https://ainsiparlelavieilledame.com/de-lauthenticite-dans-nos-assiettes-sil-vous-plait/#respond Mon, 25 Sep 2023 20:51:35 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=399 Lire la suite]]> De l’authenticité dans nos assiettes, s’il vous plaît !

 

À lire le menu quotidien que l’on me présente, l’exercice essentiel à mon prochain repas étant de cocher mes choix, je me trouve tellement privilégiée ! Quelle chance, en effet, que d’être propulsée dans le vaste monde !  La liste en est cosmopolite à souhait, avec une nette préférence pour l’Italie. À mon arrivée, personne ne m’ayant signalé l’existence d’un genre de Petite Italie dans le patelin où me voilà désormais citoyenne, je fus surprise, voire sidérée. Mais pas longtemps cependant.  J’ai vite fait de comprendre que ce menu si propice à l’évasion imaginaire est plutôt l’initiative des responsables de la cuisine. S’y trouve-t-il des émigrés italiens ou d’autres provenances ? Si oui, je les salue bien bas et leur souhaite tout le bonheur possible en leur intégration dans notre beau pays.

Poulet Sante Fe ; Boulettes de dinde Buffalo ; Penne tomates et proscuitto ; Sandwich bœuf Philly ; Poulet thai ; Poulet parmigiana ; Fajitas de bœuf ; Polita mexicaine, et une grande variété de paninis aux amalgames parfois douteux. Avouons qu’il y a de quoi  étourdir les pauvres vieux en attente de leurs repas. Les noms sont une chose, les mets en sont une autre. J’eus un jour une vive réaction à la découverte d’un ingrédient indésirable que cachait un nom prometteur de suave dégustation : Panini au rosbif.  Le rosbif était bien présent, oui, mais enfoui sous tellement d’ajouts « pas rap’ », —comme auraient dit mes élèves du second cycle autrefois—, que je fus incapable de seulement le goûter. Ma mémoire me donna à voir à ce moment précis, le tableau familial, ô combien joyeux et festif, de nos dîners du dimanche lorsque j’étais enfant. Trônait alors au milieu de la table, un gros rosbif, fumant et juteux. Mon imagination y ajoute une scène improbable : ma mère faisant le tour de la tablée avec, à la main, une cuillère et un pot de Cheese Whiz : Quelqu’un en veut un peu avec son rosbif ? Eh oui, ce jour-là j’avais repéré les pauvres petites tranches de rosbif enduites d’un fromage fondant, dégoulinant, ainsi que d’autres composantes tout aussi « pas rap ».

La cuisine nouvelle introduite dans les RPA et autres lieux de vie est-elle appropriée ? Que non ! Le choix des plats n’est pas en cause, il est fort adéquat. C’est la forme sous laquelle on les apprête et les sert qui cloche. Au moment de les préparer, s’arrête-t-on au fait que les convives sont des gens âgés ? Quelle logique sous-tend ce parti-pris de verser dans l’exotisme ? Si on revenait à la base : des légumes simples, carottes, navet, fèves jaunes ou vertes, brocolis, etc. au degré de cuisson normal, un plat principal authentique, sans garniture mal venue, et voilà tout le monde contentImpossible de l’être si on est acculé à faire un tri dans son assiette, repérer les morceaux de viande noyés dans une sauce foncée le plus souvent sucrée, les éloigner du chou-fleur ou du brocoli presque à l’état non-cuit, y tasser dans un coin des poires coupées en dés, totalement perdues, cherchant leur raison d’être dans ce fouillis.

Que ne ferait-on pas pour sortir des vieux patterns culinaires dépassés ! Pourtant, il s’en faudrait de peu pour que chaque suggestion alimentaire, libérée de ces ajouts « pas rap », soit garante d’une jouissance gustative assurée, en toute simplicité.

 

La vie est toujours plus belle lorsque le PARAÎTRE n’empiète pas sur l’ÊTRE…

 

 

Michelle Anctil

 

 

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De bruits et de cris https://ainsiparlelavieilledame.com/de-bruits-et-de-cris/ https://ainsiparlelavieilledame.com/de-bruits-et-de-cris/#respond Sat, 09 Sep 2023 20:35:16 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=394 Lire la suite]]> De bruits et de cris.

 

Mine de rien, le premier quart du 21ième siècle achève déjà ! Si j’étais une grande penseure du précédent siècle, je lui apposerais cette étiquette : DE BRUITS ET DE CRIS. Ces temps-ci, peut-on trouver des zones de silence quelque part, un silence pur, ou même un tout petit silence de fond servant de base à la réflexion et à la contemplation ? Ouvrez votre téléviseur et essayez de capter une émission ne comportant pas de cris stridents à certains moments, vous n’en trouverez pas.  Toutes les chaînes sont contaminées, sauf TQc et ARTV, devenues les favorites de ceux et celles qui prisent les propos cohérents et respectueux. Ailleurs, les échanges n’ont rien des conversations correctement structurées faisant la part belle aux questions-réponses qui éclairent, renseignent, retiennent l’intérêt. On coupe la parole, on prête une écoute distraite à ce que les invités ont à dire. L’ambiance en est une de salon chez-soi, à la bonne franquette, non celle d’un studio de télévision. Les vieilles personnes désireuses de rester dans le coup, s’y perdent. Déjà qu’elles subissent de plus en plus  « …le débit trop rapide et la mauvaise élocution des propos et analyses présentés. »*

Vous avez une question à poser ou un rendez-vous à fixer et vous procédez par téléphone ? Vous entendez alors un flot de paroles ininterrompu, formant bientôt un magma confus.  Vous n’y comprenez rien. Vous le dites, ou essayez de le dire et ça recommence, indéfiniment. Une grande partie de votre journée y passe, vous êtes épuisée. Vous n’avez obtenu aucune réponse. Un jour, je me suis donné une marche à suivre et je l’ai imposée. On verra bien, que je me disais. La personne au bout de la ligne avait actionné son moulin-à-paroles dès que j’eus formulé ce que j’attendais d’elle, mais je l’interrompis aussitôt et lui proposai de tout recommencer de zéro. Surprise, elle fit néanmoins silence et attendit. Et d’user d’un ton normal, de formuler ma demande par une phrase normale comportant sujet, verbe, complément, à une vitesse normale. Elle me donna alors le renseignement demandé, succinctement, calmement. Combien de temps avons-nous sauvé ? Sûrement de vingt à trente minutes, peut-être même davantage.

Mais d’où vient ce besoin de crier et de faire du bruit ? Quelle lacune profonde vient-il combler ? Depuis les débuts de l’humanité, le cri a pour fonction d’appeler à l’aide face à un grave danger. À l’autre extrémité, il sert à célébrer une joie, annoncer une victoire. Cette règle est toujours en vigueur.  À titre d’exemple : en été, les cris incessants du coach de je ne sais quel sport en cours de match extérieur, dont les échos parviennent à nos oreilles à l’hyperacousie* exacerbée, sont-ils nécessaires ? Et l’interminable grondement du moteur des gros camions de livraison qui tournent à vide pendant tout le temps de leur déchargement, ne pourrait-il pas nous être épargné ? Le bruit constant est devenu la norme. Et si chacun tentait de l’atténuer ? Si on fermait doucement sa portière d’auto sans la faire claquer ? Et si les rouages de la machinerie lourde autour des gros immeubles étaient mieux entretenus ? Il en est qui, à défaut d’un graissage approprié, grincent si fort que l’on croirait entendre un animal que l’on égorge.

Parfois, je me dis que le jour où le Savoir-vivre a frappé aux portes, à bien des endroits il n’y eut pas de réponse. Dommage.

 

Michelle Anctil

 

*Extraits d’une lettre ouverte de Viateur Dupont, 89 ans, « Le Soleil » Québec.

*Hyperacousie : audition des gens âgés devenue plus sensible aux bruits forts

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Pourrait-on signaler les décès des vieux sans ajout de blâme ? https://ainsiparlelavieilledame.com/pourrait-on-signaler-les-deces-des-vieux-sans-ajout-de-blame/ https://ainsiparlelavieilledame.com/pourrait-on-signaler-les-deces-des-vieux-sans-ajout-de-blame/#respond Wed, 16 Aug 2023 20:23:04 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=391 Lire la suite]]> Pourrait-on signaler les décès de vieux sans ajout de blâme ?

 

Le décès tragique d’une dame de 92 ans au CHSLD du Boisé Sainte-Thérèse a fait l’objet d’un article récent. Je n’ai pas regardé cette nouvelle à la télévision, ne l’ai pas lue non plus dans aucun journal. Et pour cause : je ne suis guère télévore, je suis très sélective des émissions que je regarde, sans doute la chaîne qui l’a diffusée ne m’est pas familière. Même sobriété dans le choix des journaux à lire : je parcours Le Soleil minutieusement chaque samedi et Le Devoir chaque dimanche. En version papier, cela va de soi.  J’ai tenté de retrouver l’article sur Internet, mais l’obligation de fournir un mot de passe m’en a dissuadée. Avec tous les mots de passe exigés pour ceci ou cela, chacun de nous pourrait faire un livre complet.  Les mots de passe sont les pires assassins des neurones des vieux. D’où mon parti pour « la modération a bien meilleur goût » auquel je demeure d’une fidélité extrême.

Une lettre ouverte publiée dans Le Devoir de samedi dernier m’inspire quelques réflexions.*  Je n’en apprécie guère le ton et certaines expressions éculées me font bondir.  Concernant cette dame, j’ai tout de même pu voir sa photo.  Elle est superbe. Son visage dégage tant de joie, son regard est si allumé que d’emblée, on s’émeut profondément de sa triste fin, on partage le chagrin de sa famille.  Ce n’est pas là que le bât blesse, mais ailleurs. Au-delà de ces circonstances déplorables à juste titre soulignées et déplorées, une trame de fond laisse entrevoir la perception bifurquée de la vieillesse et de la mort qui sévit actuellement dans notre société. Elle fait fi des incontournables lois de la vie, par exemple : il est normal de passer de l’autre côté à 90 ans et plus… ou : la mort n’est pas un départ, elle n’est qu’un changement de zone… et autres incontournables réalités. Entendre ou lire des opinions faisant tout un plat de ce qui, somme toute, fait partie du déroulement normal d’une vie n’aide personne. Blâmer le système ou le gouvernement non plus.

Ne faites pas de nous des gens misérables et impuissants. Ne généralisez pas des situations extrêmes isolées. Épargnez-nous vos phrases stéréotypées usées à la corde :  en otage… maltraitance… aînés=individus de classe inférieure… etc.  Le rappel du legs de personnes ayant contribué à la sueur de leur front au confort de notre société…me renvoie automatiquement à celle des travailleurs actuels, préposés, infirmiers et autres. Du haut de mes quatre-vingt-huit ans, j’ai sous les yeux des preuves quotidiennes de dévouement et d’amour, de respect et de générosité. Je n’ai jamais eu connaissance du moindre acte d’abus envers les vieux que nous sommes, encore moins de maltraitance.  J’adhère de toute mon âme à la conception de la mort en tant que dernière étape de vie, non d’un épouvantail à redouter. À celle de la vieillesse en tant que superbe occasion de se détacher des accessoires qui ont accompagné nos actions pour n’en garder que l’essentiel. Il est impossible, avec de pareilles options de simplicité et d’abandon total à la Vie Pleine, que le chapeau du misérabilisme tente de nous coiffer.

Tout évolue autour de nous et en nous. Les interventions empreintes de bonne volonté et d’empathie qui nous concernent doivent évoluer aussi. Jamais il n’a été aussi pertinent d’affirmer : On n’abordera jamais plus les vieux et leurs conditions comme on l’a fait jusqu’à maintenant.

 

Michelle Anctil

 

*Personnes âgées prises en otage, Henri Marineau (Le Devoir 12 août 2023

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Ignorance, irrespect, absence de bonnes manières, indifférence= un cocktail fatal. https://ainsiparlelavieilledame.com/ignorance-irrespect-absence-de-bonnes-manieres-indifference-un-cocktail-fatal/ https://ainsiparlelavieilledame.com/ignorance-irrespect-absence-de-bonnes-manieres-indifference-un-cocktail-fatal/#respond Wed, 07 Jun 2023 16:04:11 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=381 Lire la suite]]> Ignorance, irrespect, absence de bonnes manières, indifférence = un cocktail fatal.

 

La lettre ouverte de Micheline Lanctôt dans Le Devoir m’a particulièrement interpellée*. Il y est question d’atmosphère de party dans le département de soins intensifs d’un hôpital, de l’absence d’écoute de ses avis en tant que compagne du patient, d’une urgence saturée et bruyante et autres situations inacceptables justifiant la conclusion : L’hôpital a tué mon conjoint ; je ne jette la pierre à personne, c’est le réseau qui est devenu inhumain. Un jugement aussi impitoyable suite à une démarche médicale au déroulement de faits tous aussi étonnants et inappropriés les uns que les autres ne m’étonne guère. Va pour cet aboutissement fatal, déstabilisant totalement sa vie, la confrontant de ce fait à une séparation précoce, inattendue.

Mais qu’en est-il de nos conditions à nous qui essayons de nous dépatouiller dans le dédale de ce système dont on se demande parfois s’il ne s’agit tout simplement pas d’une immense farce n’ayant rien à voir avec nos vrais besoins d’individus vieillissants, une tentative de nous plonger dans une confusion entretenue de façon presque machiavélique.  Combien d’aînés ont perdu leur médecin de famille en cours de route parce ce qu’il ou elle a pris sa retraite ? En chercher un.e autre requiert de l’énergie et de l’endurance, peut même s’avérer périlleux tant sont difficiles les contacts véritablement humains, entendre par là : découvrir au bout de la ligne une voix  humaine, une vraie personne bien vivante qui vous répond, vous écoute, quelle aubaine ! Ne vous réjouissez pas trop vite ! Le système est à ce point détraqué qu’en dépit d’une scrupuleuse obéissance aux directives, un simple transfert à une autre ligne vous retourne à votre point de départ : cette seconde voix humaine n’a aucune idée de votre recherche. Vous auriez bien tort de vous offusquer, vous sentir abandonné, mais non, il n’en est rien, on vous le jure. La preuve : commence dès lors un déferlement de messages, votre courrier électronique en est inondé. Mises à jour, confirmations, incitations, bref de tout sauf du moindre embryon d’une solution concrète, incarnée, humaine, basée sur le bon sens.

Nous ne sommes pas à un paradoxe près. Si un centième du temps et de l’énergie consacrés aux interminables rapports, tentatives de réformes, enquêtes, était appliqué à agir concrètement, si un regain de sagesse envahissait les esprits, si le spot d’une vision plus globale ciblait les défis à affronter, on pourrait offrir aux vieux un dernier sprint au rétrécissement graduel acceptable. Le paradoxe le plus criant : d’un côté, on parle à s’en étourdir, on décortique, on analyse, on anticipe ; de l’autre, aucune réponse tangible, efficace ne se présente.  En chaque être humain couvent des éclairs d’âme qui ne trouvent aucune issue, vu le contexte actuel, les voilà condamnés à l’état inéluctable de cendre.

Mais la nature en décide autrement. Soudain, le feu éprouve une faim féroce, il dévore tout sur son passage. Le vent est devenu fou, il déploie son souffle sans aucun contrôle. L’eau, enivrée de sa propre abondance, se déverse là où il ne faut pas. Tout en haut, la fumée se condense, elle restreint notre aspiration à un air en perte de pureté.

Nos âmes n’ont qu’un choix : reprendre leur existence en main. Redevenir aimantes, compatissantes, puissantes. Abattre les frontières. Former une farandole à portée d’infini. Épandre sur les plaies de notre monde actuel un baume de confiance et d’espoir.

 

Michelle Anctil

 

*Le système de santé est détracté, Monsieur Dubé! ( Le Devoir, samedi le 20 mai 2023)

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Autour de l’aide médicale à mourir https://ainsiparlelavieilledame.com/autour-de-laide-medicale-a-mourir/ https://ainsiparlelavieilledame.com/autour-de-laide-medicale-a-mourir/#respond Mon, 10 Apr 2023 20:33:05 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=376 Lire la suite]]> Autour de l’aide médicale à mourir.

 

Il faut se réjouir que soit discuté à nouveau ce sujet délicat, que l’on précise les motifs de la réclamer. Certains patients, même jeunes, confrontés à des souffrances aiguës, dont la qualité de vie devient inacceptable, la sollicitent. On ne peut que compatir et respecter leur démarche. Cependant, la catégorie des gens de mon âge est en tout premier lieu concernée. Le haut gestionnaire, aujourd’hui professeur à l’Université Mc Gill, David Levine, affirma au cours d’une émission télévisée : « La plus grande part des coûts en santé va aux soins auprès des gens âgés en perte d’autonomie. » Avant d’en arriver à cet état, ils ont vécu de multiples petits deuils quotidiens jusqu’à ce qu’ils affrontent la triste réalité de désormais dépendre des autres. L’acceptation de cette situation exige énormément d’humilité et d’abandon. À ce stade des choses, doit se déployer un dévouement exemplaire, les préposé.e.s possédant l’étincelle inextinguible d’une vocation authentique y parviennent. Ils sont d’autant plus admirables qu’ils ne sont pas assez nombreux, suffire à la tâche dans la mesure du possible relève de l’exploit.

Des mots-clés se bousculent sur la liste des réflexions résignées ou inquiètes des octogénaires de deuxième moitié que nous sommes. Le premier : dignité. Mourir dans la dignité. Comment définir cette notion qui peut varier d’une personne à l’autre ? Survivre à une hémiplégie ou aux conséquences limitatives d’un AVC par exemple, n’est-ce pas être condamné à une vie rétrécie ? Comment alors espérer mourir dans la dignité ? Le second : lassitude. La lassitude de vivre. Peu la confient ouvertement. Tous la vivent silencieusement. Elle s’insinue aux moments pénibles où la lenteur et la gaucherie des mouvements, les douleurs chroniques, embuent les réveils d’un brouillard d’incertitude : arriverai-je à faire ceci ou cela aujourd’hui ?

Parmi les commentaires suivant mon article dans Le Devoir du 26 août 2022*, il en est un qui suggérait ceci : « Tout comité d’études sur les soins de fin de vie devrait compter au moins un membre de plus de soixante-quinze ans. » J’ajouterais : et lui donner la parole. Plein de gens de bonne volonté expliquent, décrivent, affirment, suggèrent. Il ne vient à l’idée de personne d’aller sonder directement les vieux : comment envisagent-ils la suite des choses ? S’ils pouvaient l’exprimer clairement –ils en sont parfaitement capables– leur avis serait-il pris en compte ? Avant l’existence des recours actuels, la lassitude de vivre se faisait sentir, provoquant parfois l’ultime voyage de non-retour. Ma jolie petite maman décédée à 52 ans, que j’ai hélas trop peu connue, écrivait à son fils pensionnaire au collège, en date du 24 mai 1946 : « Mercredi c’était le service de X, tu sais qu’elle s’est laissée mourir. » Des rumeurs circulaient. Elles parvenaient à nos oreilles d’enfants chargées de mystère : quelqu’un avait cessé de prendre ses médicaments, un.e autre n’ingurgitait plus aucune nourriture, un.e autre avait refusé une intervention qui n’aurait prolongé sa vie que de quelques mois. Selon toute apparence, leur choix délibéré ne scandalisait personne, ne donnait lieu à aucun jugement outré.  Ces êtres souffrants étaient sans doute imprégnés d’une Sagesse innée, ils obéissaient à l’une des lois immuables de la Vie : il est inutile de forcer son destin, il y a un temps pour vivre, un autre pour mourir.

Notre perception de la vie terrestre est fortement édulcorée. On agit comme si elle ne comportait pas d’après. Et s’il était une reproduction amplifiée de la beauté du monde, de la joie et de l’émerveillement dont notre cœur s’est extasié ? Et si le désir de partir avant l’asservissement final était un cri d’amour, une dernière signature auréolée de noblesse ?

 

Michelle Anctil

 

*À quand la vraie question ? À quand la vraie réponse ? 23 août 2022

 

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Des jalons sur la route de la détérioration https://ainsiparlelavieilledame.com/des-jalons-sur-la-route-de-la-deterioration/ https://ainsiparlelavieilledame.com/des-jalons-sur-la-route-de-la-deterioration/#respond Sat, 18 Feb 2023 21:17:55 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=366 Lire la suite]]> Des jalons sur la route de la détérioration.

 

De toutes les strates composant le système de santé, il est remarquable comme celle des médecins est épargnée. Et pourtant leur importance y est primordiale. Alors pourquoi n’émettons-nous jamais de critiques et de reproches à leur endroit ? Il y a ceux qui ont assumé pendant un certain temps la fonction de ministre de la santé. À ce sommet, la pluie des oppositions et désapprobations les arrosait abondamment, c’est de bonne guerre, mais les autres ? Sont-ils intouchables ? Dans l’article « La naissance de notre système de santé » déjà paru*, j’évoquais les nombreux messages gouvernementaux se résumant à l’incitation : parlez-en à un médecin ! J’y voyais un bar ouvert à l’hypocondrie qui sommeille à des degrés divers dans chacun, chacune…

Il y a quelques décennies, on pouvait encore se présenter dans une clinique sans rendez-vous en étant sûr d’y être vu par un médecin.  D’année en année, de toutes petites choses ont pris de l’ampleur, elles ont formé des jalons successifs ayant débouché sur la situation actuelle. Un jour, faisant fi des nombreuses personnes en attente, des médecins sortirent de leur bureau respectif, et se regroupèrent au bout d’un corridor. D’autres, la consultation en cours  bouclée, vinrent les rejoindre. Ils riaient beaucoup. Cela dura pendant plusieurs minutes. Désinvolture inappropriée ? Un autre jour, dans le département d’ophtalmologie d’un grand hôpital, une patiente portant un bandage sur un côté de la tête, sans doute opérée depuis peu, semblait très mal en point. Elle avait passé toute la journée de la veille assise au même endroit sans que quelqu’un ne s’occupe d’elle. Alors elle était revenue, décidée à rester tant qu’on ne la prendrait pas en charge. Un jalon plutôt inquiétant, non ? Dans un autre hôpital, en cardiologie, dans une salle d’attente bondée, les patients étaient appelés aux dix minutes. Chacun devait se présenter d’abord en radiologie. Les électrocardiogrammes allaient bon train. Une fois la chose faite, on revenait s’asseoir. Rencontrer un cardiologue par la suite était une toute autre affaire, ce grand nombre d’appelés ne faisait que bien peu d’élus. Plusieurs retournaient bredouilles, avec la consigne de revenir le lendemain. Une façon de procéder qui ressemblait à une mise en scène : Voyez comme ce département est envahi ! À l’urgence de n’importe quel hôpital, pour peu que l’on observe, cette impression d’assister à un spectacle se confirme : on y trouve des gens, silencieux, passifs, jouant fidèlement leur rôle de pôvres êtres souffrants résignés à attendre pendant des heures. Le scénario se déroule, toujours le même : après un triage lent à venir, chacun dispose d’un petit coin jusqu’au moment où il pourra dire enfin pourquoi il se trouve là. Il y eut aussi un jalon qui a, sinon bouleversé du tout au tout le système, du moins l’a secoué passablement : l’arrivée des femmes en médecine. Une copine et moi avions des neveux, fils de médecins, qui furent refusés à la faculté de médecine de l’université où leurs pères avaient été formés. Surprise totale, car leurs études collégiales étaient bien réussies. Dans les années 70 existait-il une sorte de contingentement privilégiant les inscriptions des jeunes filles au détriment de celles des jeunes hommes ?

De telles observations valent-elles la peine qu’on s’y arrête ? À prime abord, non. La question qui en résulte, oui.  À quel moment l’étincelle de leur noble vocation a-t-elle été éteinte chez les médecins et infirmières ? Voilà encore mon GOF (Grand-Oncle Fictif) qui insiste pour répondre. Il trace dans mon imaginaire, en lettres immenses : L’arrivée des money makers dans leurs rangs ! La soif de l’exposure à tout prix ! Donc, ce serait l’attrait de l’argent et le goût du vedettariat ?  Il n’y a pas que ça ! Et j’ajoute : parlez en français s’il vous plaît !

 

Michelle Anctil

*La naissance de notre système de santé  27 mai 2022.

 

 

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Une chronique premier degré. https://ainsiparlelavieilledame.com/une-chronique-premier-degre/ https://ainsiparlelavieilledame.com/une-chronique-premier-degre/#respond Thu, 02 Feb 2023 21:27:48 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=358 Lire la suite]]> Une chronique « premier degré ».

 

Mylène Moisan aurait-elle voulu interpréter des paroles entendues à la télévision sans nuance aucune, les détourner de leur sens premier, elle n’aurait pu mieux faire que de publier sa chronique du 14 janvier dernier.* Les mots et expressions sont pris à la lettre, tout nus comme s’ils n’étaient pas habillés de symbolisme. Le ministre porte tout l’odieux de la situation :  débordements aux urgences, épuisement des infirmières, attentes interminables et j’en passe. Ses sentiments sont totalement dépourvus d’empathie, il se fiche de tout, ne se préoccupe que du « structurant ». Il n’a cure des bibittes humaines que nous sommes, si affolées et pitoyables qu’on pourrait les croire acculées à une extermination imminente.

Ça suffit. Il est temps que ça cesse. Il est temps de brandir un énorme STOP. Nous sommes tellement sursaturés des propos sur la santé que bientôt, nous en deviendrons obsédés. Les lacunes et ratés en ce domaine sont mondiaux et pour les mêmes causes : vieillissement de la population, pénurie de main d’œuvre. Ce genre de chronique, loin d’éteindre les feux, les alimente. Ces façons de personnaliser les faits sont à proscrire, au même titre que les narrations d’évènements malheureux à forte saveur de victimisation. Elles ont fait leur temps, nous avons besoin d’une généralisation d’espoir et de confiance, de patience et de compassion, sinon nous ne pourrons jamais sortir la tête de l’eau. Le tous ensemble dans la même direction n’a jamais été aussi approprié.

Heureusement, ce premier article est réhabilité par le second, publié une semaine plus tard.* Il personnalise aussi, mais à bon escient cette fois. Deux infirmières ayant œuvré pendant plusieurs années sur le terrain, témoignent de la détérioration progressive du système et, de ce fait, de leurs conditions de travail. Grâce à leur récit, nous comprenons mieux les nouvelles méthodes introduites, –pensons à l’obligation de remplir de la paperasse ad nauseam…– les changements de structure pleins de promesses au départ, mais qui ont produit des effets tout à fait contraires à ceux escomptés.

Le système de santé nous a façonnés, il a fait de nous des bénéficiaires aux réclamations et plaintes constantes, nous avons développé une expertise :  c’est la faute à celui-ci celui-là… manque de ressource… c’est terrible…  abusif… inacceptable… la litanie pourrait s’allonger tant le vocabulaire nous vient en abondance de ce côté de notre parlure. Cet exercice de voir les choses avec honnêteté, concerne tout le monde, tous échelons confondus, chaque individu y a mis son petit brin de cynisme, de laisser-aller, de négligence, d’excès, d’indifférence. Cela a commencé par de toutes petites choses devenues avec les années des situations problématiques aux conséquences désastreuses bien difficiles à redresser. « C’est parce que chacun cherche à souffrir le moins possible que la vie est infernale. » écrivait le regretté écrivain Christian Bobin.* Sommes-nous devenus de moins en moins capables d’en prendre ? Nous avons de la misère à nous remettre de la longue contrariété subie causée par ce que l’on sait ?

Le grand-oncle fictif cité dans l’article sur la grosse Montréal prend goût au rôle de coauteur on dirait. Le voilà dressé dans mon imaginaire, impressionnant général criant d’une voix forte à ses troupes : on se calme le pompon… on est rendus chiâleux en pas pour rire… on change de refrain… Ça n’est pas l’indulgence qui l’étouffe, c’est le moins qu’on puisse dire…

 

Michelle Anctil

 

*Le ministre qui ne veut pas éteindre de feux  Mylène Moisan Le Soleil samedi 14 janvier 2023.

*Récit d’un système de santé malade Mylène  Moisan Le Soleil samedi le 21 janvier 2023.

*Un assassin blanc comme neige p.84   Christian Bobin Gallimard.

 

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Ne touchez pas à nos Jours de l’An! https://ainsiparlelavieilledame.com/ne-touchez-pas-a-nos-jours-de-lan/ https://ainsiparlelavieilledame.com/ne-touchez-pas-a-nos-jours-de-lan/#comments Fri, 30 Dec 2022 16:32:37 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=355 Lire la suite]]> Ne touchez pas à nos Jours de l’An !

 

Noël est déjà derrière nous. Marqué d’inconvénients sérieux entraînés par le déchaînement de la nature qui ne sait sur quel pied danser –comment ne pas compatir avec toutes ces familles privées de lumière et de chaleur en ces jours de joie !–, il fut vécu malgré tout auréolé de délivrance : on pouvait enfin se retremper dans le bonheur d’être ensemble sans restriction de contacts. Nos pas sont maintenant engagés sur le tout dernier bout de trottoir du cahoteux 2022, les uns renforcis et déterminés, les autres remplis de doute : nos nombreux problèmes aussi lourds les uns que les autres connaîtront-ils en 2023 au moins un embryon de solution ? Que se lèvent ceux qui y croient ! Et si tant est que des irréductibles se dressent et brandissent le flambeau de la confiance, comment formuler des vœux, comment décrire les rêves d’un monde sécuritaire pour ceux qui nous suivront ?

Que vient y faire le Jour de l’An ? Il me tient lieu de phare pour défier le doute et l’appréhension, assurer la solidité de notre cheminement dans le temps. À l’intérieur de l’histoire du Québec, j’insère dans la période de la « La Grande Noirceur » une tranche que j’appelle : LA GRANDE DUPERIE. Elle s’étend du crash de 1929 à la seconde guerre mondiale de 1939. Je suis née en cette décennie ainsi qu’un grand nombre d’octogénaires, dont sans doute faisaient partie les tristement en-allés de 2020. Le chômage sévissait, les familles, sous le joug de la religion, se devaient d’être nombreuses, l’argent était rare. Le Père Noël, s’il en était question, n’était qu’un objet de rumeurs, à vrai dire, son règne n’était guère instauré dans nos chaumières. Au récent Noël, j’aurais eu l’occasion de me faire prendre en photo avec lui lors d’un dîner de groupe. Se surprendra-t-on que cela ne m’émoustillait pas plus qu’il faut ? Non par aversion ou snobisme : tout simplement mon cœur était ailleurs.

Dans mon enfance, LA fête pivot était davantage le Jour de l’An que Noël. Ce dernier, dans mon souvenir, consistait avant tout en une gerbe sonore : cantiques et chants de Noël étaient au programme des messes et de toutes autres réunions familiales ou paroissiales. De cadeaux descendus d’un traîneau aérien, personne ne parlait. Puis, arrivait le Jour de l’An, impressionnant, rassembleur, solennel, avec, au sommet, la scène inoubliable de la bénédiction paternelle. Noël et le réveillon ayant égayé la famille de ceux déjà mariés et parents, chacune de son côté, au Jour de l’An elles participaient toutes au grand dîner pour lequel l’ajout de tables était nécessaire. Les papas, humblement, un peu intimidés, –aucun d’eux ne s’inscrivait dans la catégorie « notables de la place »– oubliaient leur quotidien besogneux dédié à la survie de leur marmaille, et se transformaient en passeurs du Grand Tout, appelant sur chaque tête inclinée devant eux, le bonheur, la santé, la sécurité pour l’année nouvelle. Croyez-moi, une telle scène reste gravée dans la mémoire à tout jamais.

Je suis vraiment mal placée pour suggérer à nos dirigeants les façons de régler les difficultés, d’améliorer ce qui doit l’être, qu’il s’agisse de notre système de santé, de la violence conjugale, des dérèglements climatiques. J’émets seulement le souhait que chacune de leurs actions s’appuie sur un socle indéfectible, indispensable : un retour aux valeurs de base, aux incontournables lois de la vie. Le tout premier degré d’un renouvellement possible consiste en un regard lucide sur son propre comportement, que l’on se trouve au bas de la pyramide en tant que bénéficiaire ou tout en haut en tant que responsable.

Bonne année à tous !

 

 

Michelle Anctil

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Merci d’exister https://ainsiparlelavieilledame.com/merci-dexister/ https://ainsiparlelavieilledame.com/merci-dexister/#comments Mon, 28 Nov 2022 23:45:01 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=347 Lire la suite]]> Merci d’exister !

 

Ce jour-là, lorsque je conclus notre échange téléphonique par cette phrase, mon interlocutrice ne savait trop comment réagir. Il y eut un silence. Puis nous avons fini par éclater de rire. Toute ma journée en fut embellie, la sienne aussi. Gentillesse. Patience à expliquer. Calme débit. Articulation adéquate. Similitude de vocabulaire. Attitude respectueuse. Cette dame réunissait toutes les conditions propices à préserver l’autonomie intellectuelle des vieux.  Ce merci d’exister, je l’adresse à tous ceux et celles qui, comme elle, nous facilitent la vie, contribuent à réaliser le vœu partagé par tous : nous garder le plus longtemps possible chez-nous. Si cette façon de faire devenait contagieuse, on sauverait un temps énorme, il s’en perd tellement lorsque son contraire se heurte au rythme effréné de la vie actuelle. Voulant faire trop vite, on embrouille ce qui était simple au départ. Qu’en est-il de l’autonomie de ce côté des choses, le pratico-pratique, le quotidien, celle qui peut s’exercer même par ceux et celles limités en leurs mouvements, dont la mobilité n’est plus ce qu’elle a déjà été ? Elle devient difficile lorsque les échanges intergénérationnels s’enfargent dans le jargon informatique faisant fi du sens initial des mots. C’est ce sens que nous possédons et voulons perpétuer, autrement il nous est impossible de vieillir en plénitude d’esprit, ouverts au monde nouveau si différent de celui où nous avons vécu.

Un jour où le soleil pré-printanier usait d’une effronterie enivrante, je me promenais dans le sentier qui longe l’édifice, côté est-sud, heureuse comme une écolière en récréation. Une résidente, assise sur un banc, m’interpella, aussi enchantée que moi de la chaude lumière baignant nos vieux os. Au cours de la conversation, j’en vins à lui confier à quel point il me plaisait de procéder à mes déclarations d’impôt tant la fédérale que la provinciale, tâche occupant une grande partie de mes journées à cette époque de l’année. J’en parlais avec enthousiasme, elle en parut fort étonnée. « Moi, je laisse cela à mon comptable ! » Son ton suintait la condescendance, sinon la désapprobation. Je me contentai de sourire. Je n’insistai pas et poursuivis ma lente promenade. C’est à mes deux cannes, fidèles compagnes me permettant de déambuler, tête haute et épaules en mouvement, –m’évitant le derrière en l’air et le dos voûté, attributs imputables au si répandu déambulateur– que je plaidai ma cause de vieille dame refusant de suivre le troupeau. Elles sont toujours disposées à m’écouter quand l’impatience monte en moi.

Voilà ce que je déteste dans le vieillissement. Une abdication automatique devant toute activité propice à garder nos esprits alertes. Une négation tout aussi automatique de notre capacité à assumer nous-mêmes nos responsabilités telles, entre autres, notre comptabilité personnelle. Un acharnement à nous agglomérer en un magma informe de férus de bingo, accros aux chansons passéistes, à une musique au champ limité, fermée aux chefs-d’œuvre ayant  traversé les siècles de par leurs mélodies sublimes, intemporelles, éternelles…

L’allusion à la musique fait soudain bifurquer mon attention sur un ver d’oreille ô combien actuel celui-là : la pénurie de main d’œuvre. Entendre cette expression à tout bout de champ me pose problème. À l’instar de la dame sur son banc, les gens en sont-ils venus à ne plus éprouver de bonheur à travailler dans un domaine délibérément choisi ? Les appels pour tel ou tel poste restent sans réponse, pourquoi ? L’ambiance déplorable ainsi créée attriste l’ex-éducatrice en moi, elle se pose la question : que sont les enfants d’autrefois devenus ?

Je m’ouvre aux commentaires m’éclairant là-dessus, j’en ressens un vif besoin…

 

Michelle Anctil

 

 

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Montréal ou le syndrome du gros nombril https://ainsiparlelavieilledame.com/montreal-ou-le-syndrome-du-gros-nombril/ https://ainsiparlelavieilledame.com/montreal-ou-le-syndrome-du-gros-nombril/#comments Thu, 03 Nov 2022 18:39:32 +0000 https://ainsiparlelavieilledame.com/?p=335 Lire la suite]]> Montréal ou le syndrome du gros nombril.

 

Jamais la métropole n’aurait pu mieux témoigner de sa position bien à part du reste du Québec que par les résultats des élections récentes. À les considérer attentivement, il est impossible de nier l’évidence : oui, vraiment, nous vivons sur deux planètes différentes. Sur la première règne Montréal, sur la seconde s’échelonnent les régions dont plusieurs se situent à des distances considérables du nombril de notre grosse de famille.

Que j’explique d’abord la provenance de ce titre. Il coiffait, il y a plusieurs années, l’un des segments d’un essai personnel intitulé : Litté/rupture paru sur Internet. Accumulant les lettres de refus des maisons d’éditions, dont les plus prestigieuses ont pignon sur rue à Montréal, je m’interrogeais sur les motifs des verdicts négatifs à répétitions. Et pour cause : avant d’asséner le coup fatal aux manuscrits soumis, la plupart des réponses étaient émaillées d’éloges du genre : nous avons lu avec un vif intérêt ; la qualité de votre texte n’est pas en cause ; nous l’avons trouvé fort bien écrit ; le récit est bien construit ; et j’en passe. J’en arrivai vite à la conclusion : les apprentis écrivains qui écrivent bien ne sont pas les bienvenus à Montréal. Ils ont le tort de provenir de trop loin. Leur vocabulaire sonne aux oreilles comme des cailloux bruts forçant le couvercle de coffrets à bijoux raffinés. Une vérité s’en dégage : déjà il était vrai que Montréal regarde de haut ce qui vient des régions.

Et le nombril de la grosse de famille, que vient-il y faire ? L’humour est l’arme la plus efficace pour contrer l’amertume et la révolte, et nous, gens des régions, n’en manquons pas. Dans cet essai qui ne se prenait vraiment pas au sérieux, Montréal était considérée comme la grosse de la famille du Québec. En effet, qui ne connaît pas une grosse faisant partie d’une famille quelque part ? Habituellement, ces grosses sont exceptionnellement jolies, leur visage au sourire facile, aux traits harmonieux, leur amabilité spontanée en font des personnes fort attachantes. Malheureusement, le tableau familial se gâche dès l’instant où la grosse, habituée de monopoliser l’attention, en vient à ne voir rien d’autre que son nombril. En-dehors de lui, tout disparaît, les évènements, les circonstances, heureuses ou déplorables, ont beau être le lot de tous, elle n’en a cure et se lamente si son gabarit ne lui assure pas la primauté automatique des interventions gouvernementales.

Un autre ouvrage, un roman celui-là*, ne donne pas cher pour la débrouillardise des Montréalais. À lire certains passages, il saute aux yeux qu’ils ne sont vraiment pas des champions du système D ou du plan B. Un personnage de grand-oncle d’une région lointaine, presque de l’arrière-pays, réagit devant les reportages télévisés de la crise du verglas en 1998. Sur l’écran défilent des images du désastre. Un monsieur endimanché, immobile, paralysé, contemple son auto recouverte d’une épaisse couche de glace. Pas du tout compatissant, le vieil homme rigole : « Eh bonhomme ! Ça fondra pas rien qu’à regarder ! Un p’tit coup de grattoir peut-être ? » Puis, devant un monticule de bois de chauffage, dons provenant des régions, il dit à sa vieille : « Pourvu qu’ils croient pas que le chauffe-eau va repartir rien qu’à placer des bûches tout autour ! »

                 Ces extraits fictifs sont à prendre avec un grain de sel. N’empêche. Qu’en sera-t-il de cette dichotomie métropole-régions lorsque le Québec deviendra indépendant ? Sera-t-il un pays à deux paliers, le Haut-Québec et le Bas-Québec ?

Et si, d’ici là, des pierres de solidarité s’empilaient une à une pour former une base à toute épreuve lorsque le temps de l’autonomie totale sera venu ?

 

Michelle Anctil

 

*Crever les bulles, roman, Les Editions à Rebours 2012 (page 173)

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