Ne touchez pas à nos Jours de l’An!

Ne touchez pas à nos Jours de l’An !

 

Noël est déjà derrière nous. Marqué d’inconvénients sérieux entraînés par le déchaînement de la nature qui ne sait sur quel pied danser –comment ne pas compatir avec toutes ces familles privées de lumière et de chaleur en ces jours de joie !–, il fut vécu malgré tout auréolé de délivrance : on pouvait enfin se retremper dans le bonheur d’être ensemble sans restriction de contacts. Nos pas sont maintenant engagés sur le tout dernier bout de trottoir du cahoteux 2022, les uns renforcis et déterminés, les autres remplis de doute : nos nombreux problèmes aussi lourds les uns que les autres connaîtront-ils en 2023 au moins un embryon de solution ? Que se lèvent ceux qui y croient ! Et si tant est que des irréductibles se dressent et brandissent le flambeau de la confiance, comment formuler des vœux, comment décrire les rêves d’un monde sécuritaire pour ceux qui nous suivront ?

Que vient y faire le Jour de l’An ? Il me tient lieu de phare pour défier le doute et l’appréhension, assurer la solidité de notre cheminement dans le temps. À l’intérieur de l’histoire du Québec, j’insère dans la période de la « La Grande Noirceur » une tranche que j’appelle : LA GRANDE DUPERIE. Elle s’étend du crash de 1929 à la seconde guerre mondiale de 1939. Je suis née en cette décennie ainsi qu’un grand nombre d’octogénaires, dont sans doute faisaient partie les tristement en-allés de 2020. Le chômage sévissait, les familles, sous le joug de la religion, se devaient d’être nombreuses, l’argent était rare. Le Père Noël, s’il en était question, n’était qu’un objet de rumeurs, à vrai dire, son règne n’était guère instauré dans nos chaumières. Au récent Noël, j’aurais eu l’occasion de me faire prendre en photo avec lui lors d’un dîner de groupe. Se surprendra-t-on que cela ne m’émoustillait pas plus qu’il faut ? Non par aversion ou snobisme : tout simplement mon cœur était ailleurs.

Dans mon enfance, LA fête pivot était davantage le Jour de l’An que Noël. Ce dernier, dans mon souvenir, consistait avant tout en une gerbe sonore : cantiques et chants de Noël étaient au programme des messes et de toutes autres réunions familiales ou paroissiales. De cadeaux descendus d’un traîneau aérien, personne ne parlait. Puis, arrivait le Jour de l’An, impressionnant, rassembleur, solennel, avec, au sommet, la scène inoubliable de la bénédiction paternelle. Noël et le réveillon ayant égayé la famille de ceux déjà mariés et parents, chacune de son côté, au Jour de l’An elles participaient toutes au grand dîner pour lequel l’ajout de tables était nécessaire. Les papas, humblement, un peu intimidés, –aucun d’eux ne s’inscrivait dans la catégorie « notables de la place »– oubliaient leur quotidien besogneux dédié à la survie de leur marmaille, et se transformaient en passeurs du Grand Tout, appelant sur chaque tête inclinée devant eux, le bonheur, la santé, la sécurité pour l’année nouvelle. Croyez-moi, une telle scène reste gravée dans la mémoire à tout jamais.

Je suis vraiment mal placée pour suggérer à nos dirigeants les façons de régler les difficultés, d’améliorer ce qui doit l’être, qu’il s’agisse de notre système de santé, de la violence conjugale, des dérèglements climatiques. J’émets seulement le souhait que chacune de leurs actions s’appuie sur un socle indéfectible, indispensable : un retour aux valeurs de base, aux incontournables lois de la vie. Le tout premier degré d’un renouvellement possible consiste en un regard lucide sur son propre comportement, que l’on se trouve au bas de la pyramide en tant que bénéficiaire ou tout en haut en tant que responsable.

Bonne année à tous !

 

 

Michelle Anctil