Pour qui voteront les vieux?

Pour qui voteront les vieux ?

 Il est inutile de poser la question, la réponse va de soi. Nous ferons notre choix en toute connaissance de cause, nous suivrons la voie la plus naturellement tracée. Au siècle dernier, il fallait avoir atteint 21 ans pour voter. L’éventail des choix était limité, il n’y avait que deux partis, deux couleurs : le Rouge et le Bleu. Ce qui n’empêchait en rien les discussions animées dans les chaumières. Il était difficile de déroger à la tradition, la fidélité à la couleur familiale prenait figure de devoir de transmission. Une fois les élections passées, les grandes personnes discutaient au sujet de la mystérieuse distribution d’énormes boîtes sur les balcons de certaines maisons, mais pas sur le nôtre. Cela m’intriguait beaucoup. J’ai fini par comprendre que nos voisins avaient voté du bon bord d’où les appareils ménagers modernes qui orneraient désormais leur cuisine. Il a fallu attendre quelques décennies avant que le Rouge et le Bleu atténuent leur teinte, peu à peu, se présentèrent d’autres options, de nouveaux partis gagnèrent les régions. On abaissa aussi l’âge requis pour voter, il passa de 21 à 18 ans.

Puis, vint le temps où l’évolution induite par la Révolution tranquille aboutit sur un projet emballant mené par un grand homme : René Lévesque. En notre jeunesse nous eûmes  l’inestimable privilège de vivre l’effervescence d’un pays à bâtir, qui nous appartiendrait, que nous pourrions façonner selon nos valeurs, qui préserverait notre langue, assurerait l’autonomie de nos actions et décisions. Il fut presqu’à notre portée, nous avons rasé de près l’opportunité de nous l’approprier.

Est-ce à dire que les indépendantistes de la première heure accorderont leur vote au PQ ? Je ne crois pas. Ce ne serait qu’un détournement nostalgique d’une flamme que tout le monde croit éteinte. Mais elle ne l’est pas. Voilà ce qui compte. Elle couve sous les cendres d’une apparente résignation, elle se ravivera à son heure, le Québec sera indépendant un jour, il n’y a aucun doute là-dessus. La forme déjà expérimentée n’a pas marché, il faudra en changer, l’adapter. Quand j’imagine cet heureux chambardement qui ne surviendra pas de notre vivant, un mot de trois lettres se garroche dans le dédale de mes neurones sans pouvoir se poser : QUI ? Tout est là ! QUI le peuple acceptera-t-il de suivre, QUI aura sur lui un ascendant tel qu’il l’appuiera jusqu’à l’aboutissement de ce projet grandiose ?  QUI arborera le charisme, la profondeur de pensée du fondateur du PQ, grâce auquel notre fierté d’être québécois a fait des pas de géant ? Je ne m’inquiète guère là-dessus : lorsque viendra le temps de procéder à une séparation sans acrimonie ni violence, un leader, homme ou femme, se révèlera.

La destinée d’un pays, tout autant que celle des individus, bifurque parfois de façon si inattendue ! En 1970, mon frère et moi avions réussi l’exploit de faire voter notre père pour le nouveau parti dirigé par le journaliste qu’il avait tant admiré quelques années auparavant à la télévision dans Point de mire. Il passa du rouge vif au bleu nuancé, comme quoi tout est possible. Ce fut son dernier vote, il décéda en septembre de cette même année.

Comme fut apprécié le retour au comportement civilisé du dernier débat ! Je rends hommage à PSPP d’avoir brandi bien haut le flambeau de l’indépendance tout au long de la campagne. Sa ténacité et sa fermeté auront à long terme des répercussions bénéfiques, ainsi vont les nobles causes, il s’agit d’être patient.

Mon vote s’enrobe de reconnaissance envers le gouvernement qui a su gérer de façon exemplaire les jours sombres de la pandémie. Sa fidélité, sa transparence, son empathie, son partage honnête des hauts et bas de la capricieuse COVID n’ont à aucun moment flanché.

Dites-moi connaissez-vous quelqu’un qui aurait fait mieux ?

 

Michelle Anctil

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Les deux mots en V…

Les deux mots en V…

 

L’être humain se conduit parfois en paradoxe ambulant. C’est mon cas depuis que je publie ces blogues. Me voilà aux prises avec deux mots en V.  Il en est un que j’exalte, je me pose le défi de lui redonner son lustre de noblesse, le réhabiliter en tant que porteur de sagesse, de savoir, d’expérience*. Depuis le tout début, je le tape sur mon clavier en caractères gras afin qu’il se détache et prenne la place primordiale qui lui revient : VIEUX. Je le porte avec une grande fierté que je souhaite contagieuse, de sorte que chaque individu de ma génération en soit atteint. L’autre mot m’horripile sérieusement. Dès qu’il est question de nous, on le sert à toutes les sauces, on le revêt d’un pouvoir de généralisation automatique : VULNÉRABLES. Si moi, qui ai entamé la seconde partie de ma tranche octogénaire, je refuse qu’on m’en coiffe, qu’on me l’attribue, qu’en sera-t-il de la catégorie des 70 ans+ à qui, ces derniers temps, on tente de faire croire qu’ils sont vieux ? J’espère qu’ils le réfuteront fermement. En 2022, il est faux, je dirais même à la limite malhonnête, de les y classer. À part certains cas extrêmes, à 70 ans on n’est ni vieux, ni vulnérables. Non qu’ils soient négatifs en leur sens premier, mais en ce qui concerne mon propos, leur utilisation est fortement prématurée.

Les regroupements humains, quelles qu’en soient les caractéristiques d’âge ou de condition, obéissent aux mêmes lois qui régissent tous ceux qui composent le reste de l’Univers. Des astres et des étoiles de la voûte céleste jusqu’aux troupeaux de bêtes, en passant par les peuples des quatre coins du globe, chaque élément possède son individualité, aspire à une vie distincte, une évolution qui lui soit propre. Je ne nie pas que les gens âgés, du seul fait de leur vieillesse justement, présentent un côté vulnérable lors de périodes critiques. Ce qu’il faut éviter est de les présenter sous cette étiquette avec insistance, laissant ainsi croire qu’ils le sont inévitablement, qu’il faille les traiter comme s’ils requerraient constamment des interventions monopolisant des ressources au détriment de besoins réels à combler ailleurs. Récemment, j’entendis au cours d’une émission à TQc, Boucar Diouf, homme sage s’il en est un, souligner à quel point il est nécessaire d’user de nuance dans notre interprétation des évènements d’ordre politique ou autre. Nuance… voilà un autre mot trop peu entendu dont les manifestations concrètes sont rares sinon absentes en notre vie publique actuelle. Ça n’est pas user de nuance que de parsemer le vocabulaire qui nous est consacré de mots lourds, évocateurs d’inconfort, malaises, limitations, plutôt que de sérénité, joie douce,  libre expression, humour assorti d’un brin d’autodérision, propice à l’allègement des humeurs qui pourraient vouloir bifurquer vers des allées sombres. Les mots ont toujours une longue portée, qu’ils soient répétés à un enfant ou à un vieillard, à force de les entendre, l’un comme l’autre aura tendance à devenir ce qu’ils décrivent. À force de se faire traiter de vulnérables on le devient, l’écolier qu’on traite de paresseux continuera de plus belle à lambiner au lieu que d’étudier. Tant qu’à se faire coiffer d’un chapeau pourquoi ne pas le porter en permanence, n’est-ce pas ?

Sur un autre sujet, il y avait un grand absent au face-à-face de jeudi dernier à TVA : le SAVOIR-VIVRE. Se montrera-t-il le nez au débat de demain ? C’est à souhaiter. Sinon notre monde politique à venir se révélera en plein déclin de decorum, élément essentiel à l’aspect noble de sa mission.

Comment éviter de parler d’élections…

Michelle Anctil

*Notre PM est un idéaliste le 19 juin 2020