Ô normalité, quand reviendras-tu?

                                           Ô normalité, quand reviendras-tu ?

 

         Que se souhaiter mutuellement pour cette année 2022 qui débute sur les chapeaux de roue ? Où la vertigineuse augmentation quotidienne des personnes attrapées par OMICRON nous sidère ? Vaut-il mieux éviter de formuler des vœux de santé alors que nous avons l’impression que cet intrus nous rit dans la face ? Si l’état actuel des choses ne nous fait pas comprendre notre impuissance d’humains parfois pompés d’orgueil, face à ce qui est plus fort que nous, notre absence d’humilité nous enfoncera davantage dans un déni néfaste. Il n’y a rien à tirer d’une telle attitude.

Aussi bien orienter son attention ailleurs, rêver aux précieuses petites choses pouvant embellir le quotidien, lutter contre la morosité constamment à l’affût lorsque se prolonge une situation indésirable. Chaque individu le fait à sa manière, utilise les moyens à sa portée, exploite les atouts qui lui sont propres. Pour ma part, mon Noël en apparence solitaire fut en réalité gratifié d’une présence prestigieuse, à l’indéfectible fidélité, réconfortante, exaltante, dispensatrice d’une beauté de qualité exceptionnelle. La veille, le jour même et le lendemain, ont circulé en boucle à la grandeur de mon doux nid, des sonates de Jean-Sébastien Bach. Au piano, Glenn Gould, gloire de notre pays dont la perfection d’exécution est reconnue à la grandeur du monde. Pour agrémenter le tout, un accompagnement de violon, de clavecin, de viole de gambe. Mon Jour de l’An ne fut pas en reste. Au lieu que de Bach, ce furent des sonates de Mozart jouées par Marc-André Hamelin, l’un de nos meilleurs pianistes québécois, qui égrenèrent leurs perles de joie, ne laissant aucune place aux regrets et aux chagrins. La musique engendre un bonheur simple et pur là où les clairons de la mondanité ratent la cible.*

« Chose certaine : la vieillesse place celui qui la traverse dans un état perpétuel de deuil à mesure que partent ceux qui l’entourent. »

Cette phrase de l’écrivain Naïm Kattan, extraite d’une entrevue dans Le Devoir il y a quelques années, avait arrêté mon attention, mais c’est seulement maintenant que j’en mesure toute la véracité. Vient un temps où ceux que nous avons perdus dépassent en nombre ceux qui nous restent. La période des Fêtes est propice à ce genre de bilan, la vie des vieux est inévitablement jonchée de pertes successives, ainsi va le destin des humains que nous sommes.

Que l’on me croie sur parole : mes Fêtes furent bonheur et sérénité…

Michelle Anctil

*Extrait d’un manuscrit en cours : Post-scriptum et Nota Bene.