Le tricoté-serré ne convient pas à tout le monde !
Maintenant que la vaccination va bon train, qu’une libération graduelle tant souhaitée se montre le nez, que nous souhaitons tous qu’une quatrième vague passe outre en oubliant le Québec, l’expression tricoté-serré a été prononcée à plusieurs reprises comme étant la recette infaillible de s’en sortir, solidarité toutes voiles dehors ! Je veux bien. Mais j’ai quelque réticence à l’adopter, elle a, si on y pense bien, un double sens qu’il vaut mieux éviter. Lors d’une table ronde télévisuelle récente, l’ex-vedette Edith Butler en a évoqué un aspect non souhaitable : du temps de son enfance le tricoté-serré acculait les jeunes gens à se marier soit entre cousin.e.s, soit avec le ou la célibataire de telle maison, le ou la seul.e disponible dans les alentours.
Notre société a évolué depuis. Notre horizon s’est élargi. Le vaste monde et sa diversité nous sont de plus en plus connus. De tous temps, il y eut des individus inaptes à s’insérer dans le tricoté-serré, ils y étouffent. Un peu de lousse entre les mailles leur permet de respirer plus à l’aise sans atténuer la solidité de l’ouvrage, sans mettre en danger sa mission protectrice et rassurante.
Ces récalcitrants ont eux aussi le droit de vivre, des électrons libres il y en a toujours eu et il y en aura toujours dans quelque groupe que ce soit. Certains peuvent entraver l’harmonie du vivre ensemble en exerçant une influence délétère et destructrice, mais dans l’ensemble, la plupart d’entre eux sont de bonne volonté, capables de communication cordiale avec leur entourage. Par exemple, refuser d’entrer dans un moule d’infantilisation et de conformité tous azimuts quand on habite dans une RPA est une chose, y mettre délibérément la pagaille sans discernement et sans nuance en est une autre.
Y a-t-il place pour de tels individus à l’intérieur de nos lieux de vie ? Y font-ils taches d’huile parmi les autres, plus souples et conciliants ? Tout dépend de l’ambiance installée, du degré de souplesse et d’acceptation de leurs dirigeants, de la nature des valeurs qu’ils prônent. Cela varie d’un lieu à l’autre. Imaginons un petit scénario. Une préposée d’expérience œuvrant auprès des vieux depuis des années, qui les aime de tout son cœur, s’informe de vous. Un petit souci sous-tend sa question, elle désire tellement que vous alliez bien ! Vous lui répondez gentiment, sourire aux lèvres, d’une voix ferme cependant : Ça va. Vous pouvez me parler normalement, j’ai quatre-vingt-six ans, pas six !
Ça n’a l’air de rien, mais des interventions de ce genre feraient reculer d’un bon pas l’approche actuelle où l’on semble persuadé que tous les vieux sont fragiles, vulnérables, angoissés, inquiets, insécures. Non, ils ne le sont pas tous.
Récalcitrants disions-nous… Ouvrons-leur toutes grandes nos portes !
Michelle Anctil