Et si je sortais de dessous le boisseau ?
Ça y est, je suis démasquée (sans jeu de mots), j’ai été percée à jour. Je dois me montrer désormais à métier découvert. Fini l’anonymat dont je m’enveloppais en toute sécurité.
Un certain matin alors que je lisais mon courrier, j’aperçus un message classé indésirable. Je me demande toujours qui au juste décide s’il l’est ou non, le système mail s’en charge sans nous demander notre avis. J’en pris connaissance, curieuse de savoir ce qu’il en était. C’était une bouteille lancée à la mer : une compagne de pensionnat désirait me retrouver soixante-dix ans plus tard. Elle avait amorcé sa recherche par le biais du site de la vieille dame, le lien se fit tout naturellement avec l’autre, celui qui me définit en tant qu’écrivaine. Elle m’apprit avoir fidèlement suivi mon parcours après avoir lu l’une de mes nouvelles dans un magazine, Châtelaine ou L’Actualité, se trouvant sur une table de salle d’attente. Cela ne date pas d’hier puisque ces deux revues ont cessé de publier de la fiction depuis plusieurs décennies. En fait, elles y parurent au début des années soixante-dix. Pour elle ce fut un heureux aboutissement et pour moi des retrouvailles qui me comblent de joie. Les voies de l’Univers m’émerveillent par leurs synchronismes parfois si éloquents qu’on ne peut douter d’un monde invisible veillant avec amour sur nos destinées. Ce retour dans le temps m’apparut une magnifique rose rouge au milieu de l’interminable et insistant tapis jaune vif des pissenlits de nos mémoires.
En passant, j’adore les pissenlits ! Et les roses aussi !
Alors que vient faire SOPH là-dedans me dira-t-on ? Dès mes premiers livres j’ai évoqué l’importance des chats dans ma vie. Je me suis même enhardie à faire de l’un d’eux un vrai auteur dont je recueillais les sages propos. Je l’affublai du nom du poète dramaturge Sophocle ayant vécu quatre cents ans avant Jésus-Christ. Parmi les grandes tragédies qui nous restent de lui, Antigone m’avait époustouflée quand je l’avais découverte dans ma jeunesse. Alors je suis restée accrochée au grand homme capable de créer des personnages de cette envergure.
Sortir du boisseau implique un devoir de transparence. Désormais je signerai mes articles de mon propre nom. Je garderai néanmoins l’image de SOPH tout près. On ne peut tout de même pas chasser cavalièrement un coauteur de cette qualité… cela ne se fait pas !
Michelle Anctil
SOPH