Requiem pour un beau mot disparu
Un beau mot a fui le vocabulaire actuel, on ne le lit plus nulle part, on ne l’entend plus nulle part. Il est pourtant chargé de sens. Il nous ramène à une vision plus globale des choses. Il avait beaucoup d’importance en notre jeunesse, sous-tendait chacune de nos réflexions aux moments de nos choix de vie les plus cruciaux. Je m’en ennuie. Je désire le ressusciter en ces jours sombres, si sombres que notre premier ministre a qualifié d’urgence nationale la pénurie criante de personnel dans les CHLSD où la COVID 19 fauche des vies à une allure effarante.
Ce mot est VOCATION.
Il est le plus apte à orienter correctement tout jeune adulte qui songe à consacrer sa vie aux soins des personnes âgées et malades. Augmenter les salaires ne suffira pas à l’attirer, encore moins à le retenir si tant est qu’il fasse un essai. Tout l’argent du monde ne pourra faire en sorte de rendre les tâches attrayantes et valorisantes, si n’est pas ressenti un élan intérieur qui confirme que, oui, on se sentira bien dans cette voie, on y trouvera un total épanouissement. Cet élan intérieur qui ne trompe pas, voilà ce que j’appelle la VOCATION.
Admettons d’emblée une réalité : soigner des vieillards exige davantage que toute autre tâche. Il n’est pas dans la nature humaine d’aller vers ce qui flétrit et décline, c’est la fraîcheur qui attire. Connaissez-vous quelqu’un qui, visitant un jardin en été, s’arrêtera aux plates-bandes de tulipes en déclin plutôt que d’aller contempler celles où des roses éclatent de vigueur et de beauté ? Une grande capacité de compassion et d’empathie est le socle indispensable sur lequel ériger une carrière auprès des gens qui souffrent. Il faut la rehausser d’un degré additionnel lorsque ceux-ci se trouvent à la dernière étape de leur parcours terrestre. Ce n’est pas donné à tous de remplir ce rôle avec sérénité et douceur, de s’y donner à fond, motivé par un amour profond, un dévouement à toute épreuve, un respect authentique. L’argent, à lui seul, ne peut motiver quelqu’un à embrasser une si noble vocation.
Ceci étant dit, il est grand temps de hausser enfin les salaires des gens œuvrant sur le terrain à l’intérieur des CHLSD et des résidences pour gens âgées. Trop longtemps on les a oubliés, trop longtemps on ne les a pas reconnus à leur juste valeur. Je termine par un vibrant hommage de reconnaissance et d’admiration à leur endroit, sans leur dévouement et leur fidélité, des centaines et des centaines de personnes se sentiraient davantage abandonnées.
Les résidences pour gens âgés sont les vestibules des lieux de vie vers lesquels nous nous dirigeons tous par la force des choses : les CHLSD, lieux ultimes où se vivent actuellement tant de dramatiques déchirements. Une réforme en profondeur est promise. Tous s’entendent sur son urgente nécessité, des changements de taille devront en découler.
Que de choses à questionner ! Entre autres : la soif de rentabilité qui a fait se multiplier le nombre des résidences pour aînés. On les remplit à force de publicités insistantes, donnant, pour la plupart, une vision édulcorée de la vieillesse. On en oublie d’envisager d’autres options.
Parfois, il m’arrive de penser que les vieux sont devenus les objets d’une entreprise des plus lucrative…
SOPH