Entre panique et désinvolture

Entre panique et désinvolture.

 Je devais publier un billet s’inscrivant dans la foulée de mes difficultés à comprendre les us et coutumes, le fonctionnement quotidien d’une résidence de gens âgés. En vérité, je me sentais plus ou moins capable de m’y adapter. Je doutais beaucoup de leur possible arrimage avec mes valeurs personnelles dont, tout en haut de l’échelle, se trouve Liberté, suivi de près par Discrétion.  J’en étais là dans mon cheminement d’électron libre rempli de doute.

Puis, soudain, la pandémie coronavirus nous est tombée dessus. Depuis, rien n’est pareil.  Depuis, la rébellion de Soph se calme le pompon, elle se met en pause, comme le Québec entier. Le vendredi, treize mars dernier, nous avions tous entendu la nouvelle avant de monter dans l’autobus. Les attitudes variaient de l’un à l’autre. Un silence inhabituel régnait.

             Le mieux c’est de rester dans le juste milieu, entre la panique et l’acceptation.

On aurait dit que je parlais du haut d’un trône de sagesse tant mon ton était sérieux. Tout est là. Le trop et le trop peu. S’énerver ou rester calme. Obéir aux consignes ou les trangresser. Depuis, elles n’ont cessé de pleuvoir, gagnant de jour en jour plus de sévérité, exigeant des renoncements de plus en plus déchirants. Le pire ? L’interdiction des visites. Se contenter de quelques mots au lieu d’un véritable échange avec nos proches. « On se croirait dans la Gestapo ! » dit l’un, apercevant sur le plancher de l’entrée principale la ligne verte qu’il ne faut pas franchir.

Sans doute les comportements en nos murs ressemblent-ils à ceux observés partout ailleurs : certains font preuve de soumission, d’autres refusent de se plier aux contraintes.  

« Nous ne sommes plus d’âge à suivre des règlements !

   Nous ne sommes plus à la petite école !

   La distanciation ? Faut pas virer fou avec ça !

   Le confinement ? Faut pas exagérer ! »

Bien sûr, personne ne parle ainsi, mais, parfois, j’ai la sensation de nous entendre mutuellement penser.  Au guidon de mon quadri-porteur, il m’est facile de reculer pour respecter la distance imposée, mais la dame qui m’aborde, elle, ne semble pas s’en soucier et se rapproche.  J’adhère pleinement à l’opinion d’un résident interviewé à la télévision. Il affirmait ne pas craindre d’être atteint du virus. Il était d’avis qu’à notre âge, personne ne se fait d’illusions : il nous reste peu de temps devant, comparé à celui déjà écoulé, alors la façon de s’en aller le jour venu, la cause…. pandémie… ou autres…

Adhérer à une telle attitude frisant la désinvolture n’est pas défendue mais elle ne doit pas ouvrir la porte à la désobéissance et au laisser-aller. Penser ainsi est une chose, l’exprimer à voix haute en est une autre, à l’intérieur d’un groupe elle est à proscrire absolument. 

Bienheureux les vieux à la tête pleine ! Intérêts variés. Idées justes et réalistes. Voies d’expressions disponibles.

Ce sont ceux-là qui s’en tireront le mieux.

 

 

 

SOPH

 

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